Entre mythe et réalité: une histoire des familles queers au Québec

Exposition présentée par Billy Errington

(été 2022)



Chronologie



Première section

1966 — 1979: Les journaux comme champs de bataille: Articles d’opinion, éditoriaux, paniques morales



Deuxième section

1979 — 1989: Réagir à la panique: la parentalité queer rencontre la législation antidiscriminatoire au Québec



Troisième section

1990 — 2000: La parentalité queer en temps de crise: le SIDA, la peur et l’avenir de la prochaine génération



Quatrième section

2000 — présent: Ouvrir la voie à la parentalité queer et aux enfants à venir: littérature, multimédia et sensibilisation communautaire



Introduction



J’aimerais tout d’abord souligner que les terres sur lesquelles j’ai mené mes recherches sont le territoire traditionnel et non cédé des Kanien’keha:ka (Mohawks), un lieu qui a longtemps servi de lieu de rencontre et d’échange entre les nations. Je suis reconnaissant d’avoir eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les identités bi-spirituelles alors que j’entreprends un voyage continu vers la décolonisation de mes recherches, l’écoute des gardiens de cette terre et le respect des peuples autochtones. J’espère que cette exposition apportera une certaine visibilité aux projets plus récents axés sur les identités autochtones 2SLGBTQ+ dans les milieux familiaux, en particulier grâce à une présentation du Rapport sur les besoins autochtones LGBTQ+ et bi-spirituels, commandé par la Coalition de la famille LGBT en partenariat avec Femmes et Égalité des genres Canada en 2021.


Ce projet vise à explorer comment les perspectives sur les pratiques familiales queers ont changé au Québec du milieu du XXe siècle jusqu’à nos jours. Mon objectif ici est de fournir une ressource consultative – présentée sous forme de chronologie interactive – pour les visiteurs aux AGQ, les collègues chercheurs et ceux qui s’intéressent aux intersections sociologiques entre les progrès de la libération queer d’une part, et le rôle changeant joué par l’institution de la famille dans la province d’autre part. Sa mission est non seulement de se tourner vers l’histoire pour voir quels obstacles ont été surmontés par les membres de la communauté, mais aussi de retracer les modèles d’inégalité continue qui affligent encore les membres de la famille 2SLGBTQ+, leurs parents, et en particulier les membres qui souhaitent fonder leur propre famille.


En été 2022, j’ai eu le plaisir d’explorer la vaste gamme de matériaux catalogués par les AGQ, qui a commencé à tisser ensemble cette tapisserie de la façon dont la vie a changé pour les gens 2SLGBTQ+ au Québec au cours du dernier siècle, notamment en termes de parentalité, de filialité et de la création familiale. Dans cette chronologie, j’ai fait des efforts pour utiliser une aussi grande variété de médias et m’appuyer sur autant d’expériences vécues que possible. Pour aider à suivre le mandat des AGQ de préserver les mémoires de nos communautés, j’examine des témoignages allant des coupures de journaux d’articles d’opinion, de documents juridiques et de photographies à – plus récemment – de la musique, des livres pour enfants, et des ressources d’organismes de sensibilisation communautaire en ligne. Dans la mesure du possible, j’ai fourni une numérisation de chaque document, ainsi qu’une référence à son emplacement dans les AGQ (ou ailleurs) pour ceux qui souhaitent en savoir plus.


Ma portée pour cette exposition s’étend sur sept décennies, à partir du milieu des années 1960 à l’apogée de la Révolution tranquille. Dans la première des quatre sections, couvrant 1966-1979, j’examine le rôle joué par les journaux locaux, nationaux et internationaux en tant qu’interlocuteurs dans le débat sur la question de savoir si les membres de la communauté LGBTQ+ avaient le droit non seulement de cohabiter, mais aussi d’être reconnus par la loi et – plus urgent – de commencer leur propre famille. En effet, la plupart des pièces que j’ai découvertes ont filé le réseau de panique morale que les homosexuels auraient orchestré contre l’institution de la famille; leur permettre d’accéder sur un pied d’égalité à une unité encore sacro-sainte serait « ridicule » (1966), un moyen de « corrompre les mineurs » (1966), et, plus franchement, « une farce » (1978). Comme nous le verrons, cependant, il y avait quelques perspectives positives enfouies à côté de ces craintes; des craintes fondées en grande partie sur la croyance non fondée que, même après l’adoption du projet de loi C-150 qui dépénalisait l’homosexualité au niveau fédéral, les homosexuels représentaient une menace pour l’unité familiale québécoise et, par conséquent, pour les valeurs provinciales et nationales.


Dans la deuxième section – qui couvre la période 1979-1989 – j’explore les dossiers de réponses plus organisées à l’oppression à laquelle sont confrontés les parents queer au Québec, ainsi que les témoignages des expériences vécues par les jeunes queer et en questionnement dans la province à l’époque. En particulier, j’examine (entre autres) les dossiers des premiers jours du contingent de Montréal des « Parents of Gays in Canada » (1980); les débuts de l’Association des pères gais de Montréal (1982); et une étude réalisée en 1988 dans le cadre du projet Jeunesse Lambda Youth, qui a révélé que chez les jeunes queer, les relations avec leurs parents (en particulier la mère) et leur famille se classaient parmi les préoccupations les plus importantes pour eux. Cette section de la chronologie comprend également des témoignages des mémoires révolutionnaires de Marie Mayrand, Le combat de la mère d’un transsexuel (1986), ainsi que les expériences des parents du meurtre de leur enfant séropositif (1989), pour brosser un tableau de la façon dont les membres de la communauté commençaient à se rassembler et à se soulever contre l’oppression systématique qui persistait avant la Révolution tranquille.


Troisièmement, je me tourne vers la période 1989-2000 pour examiner la parentalité queer en temps de crise, en particulier à la suite du traumatisme épidémiologique continu des années 1980. Bien que la loi C-33 – qui a ajouté des libertés civiles et un statut conjoint spécifiquement homosexuels à la Charte canadienne des droits et libertés – ait été adoptée en 1996, il n’en demeure pas moins que les attitudes sociales à l’égard de la parentalité queer avaient encore du chemin à parcourir. Le rassemblement « Masque de la mort » qui a marqué la Journée mondiale de lutte contre le sida en 1990 le long de la rue Sainte-Catherine, et qui représentait les 93 femmes qui étaient – jusqu’alors – mortes du sida au Québec, a accompagné l’information selon laquelle « le tiers des Québécoises infectées par le VIH ont transmis le virus à leurs enfants » : le sida n’était plus la maladie « gaie » qu’on considérait comme dans les années 1980, et entrait maintenant dans le public, la conscience hétérosexiste et, ergo, les familles. Ce fut une décennie de progrès et de difficultés: l’article L’Église rose de Stéphane Baillargeon de 1996 répondait à l’adoption de la loi C-33 en soulignant certaines réticences persistantes dans l’Église catholique, citant l’archevêque de Québec Maurice Couture comme disant: « Au nom de l’égalité des personnes, il ne doit exister discrimination [...] Mais j’ai des réticences sur l’attribution des droits qui ont une répercussion familiale ou sociale ». Cette section se termine par une réflexion sur Mort ou fif (2000) de Michel Dorais publiée au tournant du millénaire: la première publication en français sur le taux alarmant de suicide chez les jeunes québécois gais, qui abordait ouvertement les relations familiales dans un contexte queer.


La quatrième et dernière partie de cette chronologie se retrouve à naviguer dans les années 2000 jusqu’à nos jours. Ici, je me tourne vers la littérature destinée à la fois aux parents d’enfants queer – sous forme de guides (Vivre avec l’homosexualité de son enfant, 2007; Familles LGBT+: Le guide, 2015), des rapports (« Sondage d’opinion auprès des Canadiens: L’homoparentalité », 2014), et des volets en ligne d’organismes communautaires (REZO-Santé, 2013) – et à la génération adulte de demain, notamment par le biais de livres pour enfants qui célèbrent les unités familiales non normatives au Québec et au-delà (Ida-Jane & Olivier: Secrets de famille (2014); Le dernier qui sort éteint la lumière (2017); Les Papas de Violette (2017)). De plus, je conclus par une réflexion importante sur un rapport récemment publié sur « Les besoins autochtones LGBTQ+ et bi-spirituels » (2021), qui propose des recommandations pour les interventions les plus appropriées pour aider les parents, les familles et les enfants 2LGBTQ+, sur la base de conversations prolongées et de groupes de discussion axés sur le respect avec les Autochtones et les communautés elles-mêmes. Toutes ces approches soigneusement orchestrées de plus vastes pans de la communauté suggèrent un futur plus tourné vers l’avenir pour les unités familiales queer au Québec. Mais, comme pour toutes les choses dans la bataille pour l’égalité et la reconnaissance, le temps nous dira sûrement si c’est le cas.


En fin de compte, j’espère que cette chronologie pourra servir de document de travail qui offre un aperçu de la façon dont les choses ont changé au Québec pour les familles 2SLGBTQ+, et pour tous ceux qui font partie de ces communautés.


Note de contenu: Il y aura une discussion sur le suicide à la fin de la section 3 (dans Mort ou fif de Michel Dorais).




Première section


1966 — 1979: Les journaux comme champs de bataille: Articles d’opinion, éditoriaux, paniques morales



Cette chronologie commence en 1966, avec un titre du Photo Journal qui se lit terriblement près des paniques morales que l’on trouve encore dans certains des récits anti-queer d’aujourd’hui. « Pour mettre fin à la corruption des mineurs », semble-t-il conclure – avant que la discussion n’ait eu l’occasion d’entamer – que le mariage et les unions civiles entre hommes gais « ne seraient pas un bienfait pour la société ». En effet, parmi les quatre contributeurs largement opposés à l’idée, le Dr Louis Voyer apparaît comme le plus quasi-en faveur de la proposition, mais pas pour la joie et l’égalité qu’elle apporterait aux couples de même sexe; au contraire, elle apaiserait la communauté gaie, « faire disparaître le caractère antisocial de ceux-ci » et, plus absurdement, les empêcher de prier sur les mineurs (« Mais l’homosexuel, le plus souvent, cherche à séduire les mineurs »). Bruno Cyr, alors avocat et plus tard membre de la Commission de police du Québec, apparaît avec plus de véhémence contre la notion d’unions civiles homosexuelles: l’idée même est « ridicule », l’homosexualité représente une maladie qu’ « il faut comprendre et soigner », et il se réjouit de l’impasse que présente l’homosexualité en elle-même n’étant pas illégale, mais plutôt dans l’illégalité des actes qu’est susceptible de commettre un homosexuel comme protégeant le public de la grossière indécence. S’il y a un air général d’inquiétude tout au long de l’article d’opinion, il est apparemment sous-tendu par le ressassement presque immédiat de Voyer de l’opinion maintenant très discréditée que l’homosexualité masculine est le résultat d’une « solution négative du complexe d’Œdipe ». Le thème général du texte d’opinion est celui qui met en garde contre les perversions à la filiation et au « bon » ordre parental qui a longtemps gouverné la politique théocratique du Québec, et ce n’est peut-être pas une erreur que le premier visage que nous voyons est celui d’un Révérend père entouré des paroles du psychiatre qui s’appuie sur la psychanalyse freudienne pour soutenir son argument et refléter ces opinions tenues plus largement.



Peu de temps après, en 1967, la légalisation de ces actes homosexuels susmentionnés (lorsqu’ils sont commis en privé) a été proposée par le ministre de la Justice de l’époque, Pierre Trudeau, annonçant la réforme radicale du Code civil dans son célèbre discours « No place for the state in the bedrooms of the nation ». Dans le cadre du projet de loi omnibus, la dépénalisation de l’homosexualité a été discutée en tandem avec l’avortement et la vente de contraceptifs, qui, pour la première fois, a examiné la sexualité et les droits reproductifs sous le même parapluie des libertés civiles au Canada. Pour citer l’éditorial original de 1967 du Globe and Mail [traduit de l’anglais], qui échantillonne des extraits d’un rapport soumis au Comité de la santé et du bien-être de la Chambre des communes par la Conférence catholique canadienne :


« Nous tenons à ce qu’il soit très clair que la modification du droit civil n’implique en rien la modification de la loi morale de Dieu. Peu importe ce que le droit civil peut dire, la loi divine reste intacte. »


« Il y a, en outre, des cas où il ne servirait pas le bien commun de traduire les lois morales en lois civiles. Par exemple, la fornication entre adultes consentants est certainement un péché aux yeux de Dieu. Pourtant, le droit civil n’interdit pas cette infraction morale. »


La convergence de l’acceptation législative de l’homosexualité et l’assouplissement de l’accès au contrôle des naissances ont timidement soulevé la possibilité que les deux questions puissent un jour être officiellement discutées en tandem l’une avec l’autre. Cependant, ladite « loi divine » prendrait encore un certain temps pour perdre complètement son influence: ce n’est qu’en 2002 que les couples de même sexe ont obtenu des droits d’adoption, et pour les couples hommes-hommes, la maternité de substitution reste interdite par l’article 541 du Code civil qui conserve cet héritage de filiation dans un cas unique au Québec situé dans le reste du Canada: « toute convention par laquelle une femme s’engage à procréer ou à porter un enfant pour le compte d’autrui est nulle de nullité absolue ».



Revenant à des articles d’opinion une dizaine d’années plus tard, en 1977, un article sincère de la chronique de conseils Dear Abby dans la Gazette de Montréal explore l’expérience d’un père d’élever un fils gai, dans le contexte spécifique de la perte de sa femme – la mère de son fils – il y a quelques années. Les angoisses paternelles sont explorées et les « raisons » expliquant l’homosexualité latente de son fils sont hypothétiques et rapidement rejetées – car il s’agit d’une effusion du « merveilleux sentiment » d’amour pour son enfant gay et sa famille. De plus, il y a un clin d’envoi à la récupération de la filiation de l’État: le deuxième petit-fils de l’écrivain, écrit-il, porte le nom de son fils gay, et l’anonymat attaché à l’auteur suggère presqu’un universalisme queer triomphant attaché à son message d’espoir pour l’avenir de sa famille avec lui et son héritage vivant à travers elle.



Cela dit, le mois suivant, en octobre 1977, on nous rappelle une fois de plus le terrain qui reste à couvrir dans le mouvement de libération des droits civiques gais du Québec. D’une manière presque prémonitoire du traumatisme épidémiologique à venir dans la décennie suivante, qui a sans aucun doute changé une arène déjà fortement opiniâtre sur le rôle parental queer, le Journal de Montréal nous présente ici avec des images des réponses aux nombreuses descentes de police sur les bars, les clubs et les lieux de rencontre queer au centre-ville de Montréal. « On est sain, c’est le système qui est malade » a lu leurs pancartes, attirant l’attention sur la brutalité policière contre la communauté à la suite des raids Truxx du 22 octobre, et amenant les lecteurs à réfléchir sur la rupture d’un système malade qui continue d’exclure ses membres queer de leurs propres familles officielles.



Le même mois, le 27 octobre 1977, les articles d’opinion et le rôle joué par les journaux locaux ont pris une autre tournure intéressante, en particulier par la façon dont les articles ont été positionnés les uns à côté des autres comme des dispositifs pragmatiques et de formation de l’opinion. La page 3 de la Gazette de Montréal détaille certaines réponses aux raids Truxx, dans lesquels 136 hommes GBT ont été arrêtés sous la menace d’une arme à feu et détenus « 20 à une cellule » pour vingt heures, après quoi « tous ont reçu des tests de maladie vénérienne par les agents de santé de la ville ». L’imposition forcée de tests de santé sexuelle aux prisonniers suggère non seulement une approche pathologiquement basée sur la peur de la communauté gay, mais une fois de plus indique que les questions de sexe et / ou de potentiel reproductif ont été supplantées d’eux-mêmes à l’État. Plus intéressant encore, cependant, au verso de ce même article, se trouve le retour de l’infâme article d’opinion: le titre d’Ernhofer [traduit de l’anglais] « Cher M. Lévesque: Voici le point de vue des enfants » à la page 4 invoque une fois de plus l’unité de l’enfant et de la nation - « Pourquoi le Québec devrait-il se séparer? Je veux dire, c’est notre pays. Pourquoi devriez-vous, de tous les peuples, vouloir détruire notre unité ? C’est ainsi qu’une lettre de Vida Vaitiekunas, 16 ans – une élève du secondaire de Hamilton – commence » – comme étant une fois de plus menacée par l’acceptation de la communauté 2SLGBTQ+. Bien qu’il ne soit pas explicitement écrit comme tel dans cet article, le positionnement séquentiel des récits de la débauche gaie > les craintes du séparatisme québécois du point de vue d’un enfant renforcent cette idée que les enfants doivent être protégés de la montée de la visibilité queer et des futurs droits parentaux autant que possible pour le bien de la nation (une idée propagée dans l’article de Journal photo de 1966 qui a commencé cette chronologie).



Les articles d’opinion ont intensifié le débat sur la façon dont la société devrait aborder le rôle parental 2SLGBTQ+ au Québec tout au long de l’an 1978. Le dialogue de cette année a toutefois commencé à faire la lumière sur des positions plus progressistes à l’égard de la perspective que les Québécois gais élèvent des enfants. Yvon Thivierge, écrivant dans Le Devoir du 2 février 1978, défend la nécessité d’un « programme d’information sur les besoins sociaux des gai(e)s de manière à permettre leur intégration au reste de la société » , dont les services de parentalité et de planification familiale feraient un jour partie. En août 1978, cependant, La Presse a présenté une défense plus véhémente de la communauté gaie, cette fois en attaquant l’amalgame souvent fait de la part de la presse de l’homosexualité avec les dangers pour les jeunes. Daniel de Lessard Begin a méprisé le reportage du journaliste Claude Carfantan sur le meurtre d’un enfant, qui était « sadiquement assasiné par des homosexuels à Toronto ». Il a fait remarquer que la sexualité des meurtriers n’est jamais faite le titre central lorsque les personnes impliquées sont hétérosexuelles, et il ferme puissamment sa critique cinglante du statu quo de cette panique morale gay avec ce jibe:


« Avec un peu plus de zèle, M. Carfantan pourrait sûrement devenir l’Anita Bryant du Québec »

... Bryant étant la figure de proue anti-gay américaine de l’alliance Save Our Children de 1977 aux États-Unis.



Des approches plus mitigées, voire ambivalentes, étaient encore apparentes. Dans un article paru en février 1978 dans Le Devoir, l’écrivain Claude Jasmin annonce que « « Le droit d’être homosexuel » est une farce. On l’est ou l’est pas; ça n’a rien à voir avec les droits », avant de comparer ce « droit » d’être gai au « droit » à sa religion ou d’origine ethnique, un amalgame problématique qui, en fin de compte, fait avancer la cause d’aucun groupe minoritaire. D’ailleurs, dans une contribution de mai 1978 au Devoir, Nicole G. Larocque note que c’est pour le mieux que les enfants du Québec « appartiennent aux parents et non pas à l’école ou à l’État » face à la montée apparemment indomptable des idéaux socialistes des enseignants de la nation et à la « religiosité historique étouffante » qui hante la politique provinciale. Encore une fois, nous notons le retour constant au thème de l’enfant, et le complexe de personnes ayant l’obligation morale de sauver la prochaine génération des périls des sexualités et des genres non normatifs. L’article d’opinion de Thomas B. Coughlin, intitulé « Homosexual Father » dans une édition de juillet 1978 de la Gazette de Montréal, affirme que c’était une « chose pourrie » d’avoir effectivement outed un écolier comme ayant un père gai qui aura maintenant « deux séries de pressions pour le rendre fou » [traduit de l’anglais]. Peu de temps avant la création opportune de l’Association des pères gais de Montréal, cet article d’opinion montre peut-être que si l’on parlait de la parentalité homosexuelle – quoique de manière réticente – il valait peut-être mieux la laisser dans l’ombre, loin de la société que les lecteurs écrivaient si frénétiquement pour protéger.



Avant de passer à la deuxième section de cette chronologie, dans laquelle nous explorons des approches de groupe plus organisées des défis législatifs, je passe enfin à un dernier article d’opinion qui vient à nouveau à la défense du journaliste Michel Girouard. Dans une édition de février 1979 d’Échos Vedettes, un écrivain vient à la défense de Girouard (qui a épousé son partenaire Réjean Tremblay en 1972, bien que le mariage homosexuel ne soit pas reconnu au Canada), et appelle les jibes reçues de stars hétérosexuelles de la province, qui, selon lui, sont souvent « les malheureux, toujours à la recherche du bonheur ». Nous assistons donc ici à un changement dans la fonction de certains articles d’opinion: leur rôle devient celui de défendre des personnalités publiques vivant extérieurement et ouvrant la voie à l’égalité des droits, peut-être comme un développement de parler au nom de ces voix et témoignages plus anonymes autrement pas atteints par les projecteurs des médias. La défense d’un couple gay marié pourrait être la première étape dans la promotion de leur accès à la création d’une unité familiale de leur propre: les années 1980, cependant, sont quand nous commençons vraiment à assister à des progrès tangibles à travers des programmes organisés et des groupes communautaires qui ont ouvert la voie à un véritable changement familial et législatif.





Deuxième section


1979 — 1989: Réagir à la panique: la parentalité queer rencontre la législation antidiscriminatoire au Québec


S’étendant sur environ une décennie, cette section explore certaines des réponses communautaires les plus organisées à la visibilité croissante de la paternité queer à Montréal et plus loin, en particulier de la part de ceux qui ont cherché à sensibiliser les parents et les enfants de 2SLGBTQ+. Ce qui devient évident, c’est un mouvement vers l’abandon de la perception du public de l’idée que les parents et/ou les enfants gais représentent une menace pour la cellule familiale: c’est-à-dire que la famille étant acceptée comme pierre angulaire de la promotion du bon ordre moral comme ce qui était fondamental pour la survie continue du Québec pour les générations à venir, ledit futurité peut et doit impliquer des vies et des voix 2LGBTQ + dans le cadre de ce discours de la famille en tant que nation si unique à la province. Comme nous le verrons, les années 1980 ont été la décennie au cours de laquelle le débat public s’est déplacé de l’arène plus modérée ou même anonyme offerte par les articles d’opinion des journaux: au lieu de cela, nous commençons à voir des plates-formes plus officielles dans lesquelles les droits à la famille de la part de la communauté queer sont défendus pour influencer les perspectives législatives à l’avenir (y compris ouvrir la voie à l’égalité du mariage et de l’adoption par les couples de même sexe).



Nous commençons en novembre 1979 avec un article publié dans le journal Sunday Sun de Toronto. Même pour une plate-forme plus conservatrice alignée, l’immense portée atteinte par la pièce ne peut être sous-estimée. L’arc narratif du texte commence par résonner avec (et peut-être même ridiculiser) la panique gay qui est attachée à la peur parentale que l’homosexualité d’un enfant est en quelque sorte leur « faute ». Dali s’appuie sur le don de l’hyperbole pour évoquer et peut-être satiriser la peur attachée à l’homosexualité infiltrant la famille: « Homosexuel. », les troisièmes paragraphes s’ouvrent, évoquant « pour la plupart des parents, la douleur ». Bientôt s’ensuit l’introduction du groupe de soutien Parents of Gays et des témoignages de ceux (principalement des mères) qui ont lancé la propre branche du réseau de Toronto. Peut-être le plus fascinant à propos de cette pièce – au-delà de sa portée étendue à un lectorat peut-être plus conservateur – est le message et les réflexions plus personnelles et de clôture qu’il porte: June note que « Seules les mères sont venues [aux réunions des parents de gays] jusqu’à présent », une raison qu’elle attribue à être « probablement une chose de cordon ombilical qui rend les femmes plus enclines à participer ». Elle termine en implorant son désir de simplement « tendre la main à d’autres parents et dire: Mon fils est gay. Ce n’est pas si mal. Cette réflexion sur le lien entre le fils gay et le cordon ombilical semble se moquer du complexe œdipien cité dans l’article du Photo Journal de 1966, dans lequel Voyer a épousé avec son point de vue avec le point de vue très discrédité selon lequel l’homosexualité masculine est le résultat d’une « solution négative du complèxe d’Oedipe ». Par-dessus tout, c’est l’augmentation de la visibilité du réseau Parents of Gays auprès d’un nouveau lectorat – à la fois à travers ces témoignages et en fournissant des coordonnées de clôture utiles – qui marque un tournant dans le rôle des journaux et des éditus entrant dans la prochaine décennie



En septembre et décembre 1980, nous voyons la succursale montréalaise de Parents des Gai(e)s (PoG) en pleine opération dans la ville. Dans le cas de ce dernier mois, on nous montre un exemple d’un centre local de services communautaires qui tend la main au contingent local du PoG pour l’aider dans ses propres efforts de sensibilisation – un exemple des graines d’un changement législatif positif qui semé découle d’une visibilité publique accrue des groupes qui ont besoin d’être représentés. Dans ce cas, les services de soutien pour les parents d’enfants gais – en particulier ceux qui tendent la main aux CLSCS qui peuvent avoir de la difficulté à accepter la sexualité de leur enfant – soulignent le manque de matériel sur l’offre nécessaire pour soutenir un dialogue positif entre les praticiens de la santé de l’État, les parents et les enfants, et ils appellent spécifiquement pour le matériel audiovisuel pour aider à cette entreprise. C’est l’un des premiers exemples que j’ai rencontrés dans les Archives qui a explicitement démontré un désir de la part de l’État (les CLSC) de s’engager de manière proactive avec les intersections de l’identité sexuelle et de la vie familiale à travers une variété d’interventions – surtout, celles au-delà de la psychiatrie.



Dans une édition d’août 1981 du magazine L’actualité, un article intéressant est paru écrit par Micheline Lachance qui prophétisait l’avenir de la cellule familiale québécoise quelque deux décennies plus tard, en l’an 2000. Découvert dans le dossier Opération Liberté (F0017: S7, D116) de l’Association pour les droits des gai(e)s du Québec, l’article s’attarde sur la potentielle « renaissance » de la famille, où « les hommes doivent apprendre à être pères 24 heures par jour », les femmes auraient « la liberté de choix [qui] va jusqu’au refus de... fonder une famille », et dans lequel on pourrait se poser des questions sur « pourquoi les homosexuels ne pourraient-ils pas enlever des enfants aussi bien que les hétérosexuels? » face aux lois des années 1980 qui « ignorent les homosexuels, qui sont ainsi relégués à la clandestinité ». Une autre caractéristique intéressante ici est le lien fait entre le nationalisme et l’évolution de la cellule familiale: « Il y a ceux qui la [l’évolution de la famille] perçoivent comme un bienfait, les autres qui la refusent parce qu’ils s’en méfient ». Bien qu’écrit dans un temps hypothétique, le texte de Lachance avait quelques vérités: les naissances sont en effet tombées de 14,5 pour 100 000 de la population au moment de la rédaction à 10 pour 100 000 en l’an 2000 prophétisé ; en 2016, 81 % du million d’enfants vivant dans des familles monoparentales au Québec vivaient avec leur mère, tandis que les 19 % restants vivaient avec leur père , les droits de garde conjoints donnant lieu à un plus grand nombre de pères qui élèvent seuls des enfants; tandis que, après 2000, l’appui au projet nationaliste du Québec a diminué en parallèle apparent avec le nombre de familles engagées dans des structures nucléaires conventionnelles à mesure que la société devenait méfiante à l’égard de la façon dont la fiscalité et les services sociaux provinciaux étaient gérés.



À partir de septembre 1982, nous commençons à voir une attention publique croissante accordée aux pères gais et à leur chemin vers une reconnaissance plus égale dans la structure familiale du Québec. Cet article du Journal de Montréal présente le réseau de l’Association des pères homosexuels et suppose qu’environ 10 % des hommes gais se sont mariés et ont eu des enfants. Bien qu’il puisse s’agir d’une approche incertaine ou statistique des réalités à portée de main, cet article jette un nouveau terrain dans l’appel à normaliser le rôle du père gay dans la vie familiale, même après une rupture dans les unions romantiques ou émotionnelles. C’est un vestige que nous verrons prendre vie dans les découvertes d’archives ultérieures, en particulier celles trouvées dans la vidéothèque en ligne 2013 de REZO Santétraitant des parents et de l’enfance queer (sur lesquels nous reviendrons plus tard).



Ces appels à l’inclusion et au bien-être des parents gais ont été renforcés par l’Association des pères gais de Montréal en janvier 1985: ici, dans un extrait du procès-verbal de leur 15e réunion, nous pouvons voir que les futures réunions étaient prévues pour répondre aux questions pertinentes soulevées sur le même thème des relations familiales de la session précédente, y compris « Comment tenir des contacts avec ses enfants? », « Faut-il annoncer à ses enfants sa sexualité? », et « Y-a-t’il des points positifs d’être père gai? ». Ce procès-verbal comprend également les aspirations de l’Association à présenter une demande de lettres patentes, qui seront éventuellement accordées en 1990. Toujours en 1985, les plans du « Club Prisme » ont été rédigés, qui visaient à aborder l’intégration sociale et culturelle des pères gais et de leurs familles, et à aider à faire de l’Association un groupe communautaire plus tourné vers l’extérieur avec une plus grande impulsion dans l’adoption de changements législatifs.



En 1986, Marie Mayrand publie ses mémoires révolutionnaires Le combat de la mère d’un transsexuel. Il s’agit d’une œuvre littéraire fondamentale au Québec qui – selon les mots de Mayrand – « si cela pouvait aider une seule mère ou un seul père à comprendre et accepter, mon but serait atteint » (p.7). Le mémoire touchant n’a pas peur des réalités auxquelles ont été confrontés la mère et l’enfant transgenre au cours des années 1980: nous suivons un voyage de la tourmente initiale d’une mère dans la compréhension et l’éducation d’un enfant transgenre (« Je le revois encore qui me regardait avec ses grands yeux, sa bouche ne disait rien. Mais moi sa mère, je lisais dans ses yeux ces mots: « Tu ne peux pas me comprendre, c’est plus fort que moi. Aides-moi, Maman » (p.44), ainsi que ses moments d’harmonie et d’acceptation ultime de sa fille (« Cet être à qui j’ai donné la vie, je l’aime quelle que soit sa vie. Elle vit, elle respire, elle est heureuse, son calvaire est aussi terminé » (p.65); « Accepter « oui ». C’est la plus belle preuve d’amour à donner à notre enfant [...] Je dis merci à Dieu car c’est dans la souffrance que se forme un être chaleureux et charitable » (p.69)). L’élément textuel de l’autobiographie se termine avec le magnifique poème de Mayrand Un Enfant (p.73), qui conserve un élément d’universalité dans le genre et maintient le lien indéfectible entre la mère et l’enfant à travers une lentille queer. En effet, écrivant dans Queerly Phrased: Language, Gender, and Sexuality (1997), Anna Livia cite Le combat comme un exemple frappant de la façon dont la langue française est utilisée pour se rapporter à sa propre compréhension de l’identité de genre, et celle des autres. Elle écrit [traduit de l’anglais]


"... deux biographies, Histoire de Jeanne transsexuelle de Catehrine Rihoit (1980) et Le combat de la mère d’un transsexuel de Marie Mayrand (1986). Dans chaque cas, bien que la transsexuelle affirme qu’elle est une femme depuis sa naissance, elle alterne entre la concorde de genre masculin et féminin à son égard, indiquant que la situation était en fait beaucoup plus complexe. Les deux comptes à la troisième personne [...] changent également de référence de genre. Mayrand, par exemple, dont le fils est passé d’une identité masculine à une identité féminine, décrit sa progéniture dans le masculin jusqu’au moment où elle a elle-même accepté qu’il était une elle. Après ce point dans le récit, elle utilise la concorde féminine... (p.353)


Poursuivant ce thème de l’interaction enfant-famille queer, je passe maintenant à une étude menée par Märc Guay en mars 1988 qui a examiné les stratégies de sensibilisation du public et de recrutement utilisé par le projet Jeunesse Lambda Youth. Jeunesse Lambda a commencé en 1976 en tant qu’organisation de services sociaux anglophone (et en septembre 1987 en tant que branche francophone) qui cherchait à soutenir, accueillir et éduquer les jeunes âgés de 14 à 30 ans à mesure qu’ils grandissaient pour comprendre leur identité LGBTQ2S+; JLY va toujours fort aujourd’hui. Comme le suggère la brochure ci-jointe, le groupe est fier de l’inclusion, d’accueillir tout le monde et de se réunir régulièrement dans le cadre de soutien soutenu, ne tenant aucune liste des membres inscrits afin que les gens soient libres d’aller et venir à leur guise. L’évaluation utile de Guay donne un aperçu de certains des facteurs qui ont encouragé les utilisateurs de services à assister aux rencontres de JLY; il est intéressant de noter que de nombreuses réponses tournent autour de la perception des jeunes queer de la part de leurs familles et, en particulier, de leurs mères. Parmi les 41 répondants à l’étude par questionnaire de Guay :


  • 21 étaient intéressés aux questions entourant la famille (p.38, 3.6)
  • 23 voulaient discuter des relations avec leurs parents, l’option la plus populaire (ibid.)
  • 25 étaient « out » à leurs mères, les plus confiés dans le groupe de tous (p.41, 4.22)
  • 17 serait prêts à sacrifier leurs liens avec la famille en raison d’être fidèle à leur sexualité, l’option la plus sélectionnée (p.43, 5.70)

Ces réponses suggèrent encore une fois le besoin pressant de recherches et d’interventions sociales de la part du gouvernement provincial pour aider à intégrer les expériences des jeunes queer aux stades de formation de développement aux côtés de leurs familles. Ceux-ci seront plus tard promulgués sous la forme de modifications législatives permettant à cette génération de jeunes queer de fonder leur propre famille grâce à des lois plus tard sur le mariage égal, l’adoption et la famille. En effet, l’organisation a ensuite reçu un financement récurrent par le biais du programme gouvernemental Programme de Soutien aux Organismes Communautaires, assurant la longévité de cette importante organisation à long terme.



En 1989, même la musique populaire au Québec a offert ses deux cents au débat sur la paternité queer et le droit pour les couples de même sexe d’avoir des enfants. Bien que le projet de loi 84 qui légalisait l’adoption homosexuelle n’ait été adopté au Québec qu’en 2002, le groupe québécois comique et souvent satirique Rock et Belles Oreilles a sorti sa chanson Un enfant de toi dans le cadre de son album Pourquoi chanter? , une chanson dans laquelle deux hommes déclarent leur amour l’un pour l’autre et leur désir d’avoir un enfant ensemble. Disponibles pour écouter ici, les paroles offrent une version plus humoristique mais tout aussi cinglante des restrictions législatives qui empêchaient alors les couples de même sexe d’avoir ou d’adopter leurs propres enfants.



En effet une parodie des règles de longue date du Québec sur la filiation et le « projet parental », le même album présente l’un de leurs plus célèbres succès, Bonjour la Police, qui a ridiculisé l’inefficacité et la paresse perçues du corps policier au Québec. Encore une fois, ce placement peut-être stratégique de commentaires sociaux sur l’inaptitude aux fins des méthodes de contrôle de l’État – que ce soit la police ou la facilitation de l’égalité d’accès à la communauté 2SLGBTQ+ pour fonder des familles – aurait pu obtenir un changement législatif comme un moyen de refléter les valeurs populaires changeantes.



Toujours en 1989, l’attention des journaux sur le meurtre effrayant de Joseph Rose a suscité des réactions de la part de ses parents. Rose, un éminent militant des droits des homosexuels et du VIH/sida et fondateur de l’association LGBT+ du Collège Dawson, Etcetera, a été brutalement assassiné alors qu’il rentreait chez lui à Montréal le 19 mars 1989. Dans un article de journal du Journal de Montréal documentant les conséquences de son meurtre, ses parents se souviennent de Joe comme quelqu’un qui « ne blesserait jamais une mouche » qui était simplement « au mauvais endroit au mauvais moment ». Le meurtre homophobe a rallié la communauté gay du Village et au-delà, bien que ce soit le titre de ce texte qui résume l’agonie de cette ère de panique du sida et le rôle qu’elle a joué dans les relations familiales. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un couple vengeur, écrit le journal, les parents ajoutent que, bien qu’ils aient trouvé l’homosexualité de leur fils difficile à accepter au début, tout ce qu’ils voulaient, c’était qu’il soit heureux, et que si ceux qui l’ont abattu contractaient le VIH parce qu’ils étaient en contact avec son sang, « ils l’auront mérité ». Telle était la militarisation du virus alors mal compris qui a emblématise l’époque et au-delà, bien qu’il a été rarement documenté dans l’arène des relations parent-enfant.





Troisième section


1990 — 2000: La parentalité queer en temps de crise: le SIDA, la peur et l’avenir de la prochaine génération



Cette section s’oriente vers le nouveau millénaire, examinant certains des changements législatifs les plus importants qui touchent les couples de même sexe au Québec, et leurs droits de fonder leur propre famille. Bien sûr, cette décennie a laissé de nombreux membres de la communauté sous le choc de l’impact de l’épidémie de VIH/sida qui est arrivée au Canada en 1982. Il semble que les années 1990 ont été la décennie au cours de laquelle la reconnaissance juridique des couples de même sexe et des droits des homosexuels au Québec a vraiment commencé à s’intensifier: comme l’écrit Serge Fisette, titrant le chapitre sept de son livre de 2021 L’homosexualité masculine au Québec comme « 1990-1999: Vers la légalité », « le 20 juin 1996, le projet de loi C-33 – ajoutant l’orientation sexuelle à la Charte canadienne des droits et libertés parmi les motifs de discrimination interdits – est approuvé par sanction royale [...] Quelques jours plus tard, une décision de la Cour suprême du Canada fait en sorte que les couples homosexuels soient inclus dans les unions de fait » (p.203). De plus, la Coalition des familles LGBT a été formée à la suite de la fusion de l’Association des Mères lesbiennes du Québec et du Groupe Papa-Daddy (p.208) et, en juin 1990, de l’Association des pères gais de Montréal reçut ses lettres patentes du gouvernement du Québec. Un de leurs objectifs depuis 1985, cet instrument juridique a spécifiquement mandaté les objectifs du groupe de « promouvoir la condition des pères gais et défendre leurs droits et intérêts communs », ce qu’ils continuent de faire à ce jour. Plus récemment, sur ses réseaux sociaux, l’APGM a collaboré avec Les Chroniques de Montréal pour produire ce podcast, explorant comment l’Association a aidé Gilles, un père gai, à « sortir » à l’âge de 45 ans lorsqu’il était marié et père de trois enfants.



En décembre 1990, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, la Gazette de Montréal et La Presse ont couvert le « Death Mask rally » qui a attiré l’attention sur la campagne de sensibilisation de la Journée du sida de cette année-là – que les femmes, elles aussi, peuvent contracter le VIH. C’était l’une des premières fois que le VIH n’était plus publiquement présenté comme une simple maladie « gay » : « Une mère infectée peut également le transmettre à son enfant à naître [...] le tiers des Québécoises infectées par le VIH ont transmis le virus à leurs enfants », conclut The Gazette, tandis que La Presse conclut que « Trop longtemps la société considère que seuls les homosexuels peuvent attraper le virus et pourtant toutes les femmes sont des victimes potentielles ». Bien que ce style de reportage attribue toujours une forme de culpabilité à la contraction du virus, il s’agit toujours de l’un des premiers exemples dans les reportages de presse de l’épidémie qui détournent l’attention de la communauté homosexuelle et peuvent inciter le grand public à accorder plus d’attention aux menaces posées par cette maladie non discriminatoire qui pourrait en effet affecter les familles nucléaires traditionnelles. Présentement exposée aux Archives du Québec, l’affiche du Comité sida de Thunder Bay représentant la silhouette d’une femme enceinte et la légende « Women can get AIDS » et « Women can give AIDS to their babies » (également à partir de 1990) démystifie davantage le VIH en tant que virus qui peut – et concerne – les communautés et les familles non-2SLGBTQ+.



En prévision des changements législatifs apportés à la reconnaissance des unions entre personnes de même sexe par le biais de la modification de la loi C-33 en 1996, la Presse a publié en avril 1992 un article couvrant la reconnaissance historique par la ville de Montréal des syndicats de même sexe en ce qui concerne les lois sur l’emploi, les soins de santé et les assurances. À partir de mai, ajoute-t-il, les partenaires de même sexe des employés de la Ville de Montréal auront droit aux mêmes prestations d’assurance-vie que les couples hétérosexuels, un marqueur de l'« immense silence » qui est levé de la vie des employés de 2LGBTQ+ en milieu de travail. En fait, cela ouvrirait la voie à des changements ultérieurs aux droits d’adoption des personnes de même sexe et au congé de paternité en 2002. L’article conclut qu’Ottawa n’a toujours pas bougé au moment de la rédaction du présent rapport, dont les attitudes à l’égard sont reflétées un mois plus tard dans un éditorial dans une édition de mai 1992 du même journal. Ici, l’écrivain appelle « l’hypocrisie de la part de la société » qui, paradoxalement – soutient-elle – serait plus heureuse avec les couples homosexuels se marier que d’avoir des enfants. Le temps était venu de mettre fin à l’invisible des couples de même sexe aux yeux de la loi, écrit-elle, et que des mesures au-delà du symbolique étaient nécessaires pour s’assurer que l’héritage, les congés payés et les régimes de retraite d’employeur profitent à l’importante minorité de travailleurs de même sexe, couplés au Québec, qui s’étendraient bientôt à ceux de leurs familles, aussi.



Au sujet du mariage et des unions entre personnes de même sexe, Stéphane Baillargeon a répondu en mai 1996 à la mise en oeuvre de la modification de la loi C-33 ce mois-là. Son éditorial l’Église rose citait quelques exemples d’homophobie dans l’Église qui persistaient dans le débat sur la législation sur l’union homosexuelle à Ottawa depuis des décennies: par exemple, l’évêque d’Alexandria-Cornwall Eugène P. Larocque a soutenu que la suppression de la législation anti-discrimination LGBT « aura pour effet d’approuver légalement le style de vie des homosexuels, des lesbiennes et même, disons-le franchement, des pédophiles », tandis que l’archevêque de Québec Maurice Couture a fourni une autre opinion paradoxale selon laquelle « Il faut respecter la personnalité de l’homosexuel. Mais j’ai des réticences sur l’attribution des droits qui ont une répercussion familiale ou sociale ». Cet article attire une fois de plus l’attention sur le point de vue selon lequel l’homosexualité – ou agir en conséquence – est une atteinte à l’ordre naturel par le biais de la corruption des mineurs. Il est clair que les figures de proue de la société canadienne et québécoise avaient encore un rôle influent à jouer dans l’élaboration des mesures législatives, même lorsque le Parlement faisait de petits pas pour reconnaître légalement les unions civiles qui ouvriraient un jour la voie à une adoption plus égalitaire et à un cadre d’éducation familiale.



L’an 2000 a vu la publication de l’étude révolutionnaire de Michel Dorais Mort ou Fif: La face cachée du suicide chez les garçons, qui a été la première publication francophone à examiner l’intersection entre deux tabous sociétaux: le suicide masculin et l’homosexualité. Encore une fois, bon nombre des témoignages découverts dans le texte sont centrés sur les inquiétudes des jeunes hommes gais entourant la façon dont la société et, par procuration, leurs parents les perçoivent. « Il fallait que je sois parfait. C’était jamais assez [...] [Il] craint que, s’il ne demeure pas l’enfant idéal aux yeux de sa famille, il soit irrémédiablement rejeté » rapporte Dorais (p.46); » Or, la perte du soutien et de l’amour de sa mère peut avoir des conséquences dramatiques [...] Si, elle, elle ne comprend pas, qui le fera? Steve relate: Ma mère, je la voyais comme une sainte; c’était ma mère qui donnait toute l’affection chez nous » (p.60). Ce récit chargé d’émotion explore avec sensibilité les subtilités des relations mère-fils queer et se lit comme un traité sur la nécessité d’une meilleure intégration des services sociaux et de la reconnaissance juridique du droit des jeunes queer d’exister au Québec et au-delà. Il se ferme puissamment, avec un message apparemment dirigé vers l’État:


« Le suicide chez les jeunes homosexuels ou bisexuels est la conséquence directe et prévisible de l’absence d’une place qu’ils ont dans notre société. Presque tout contribue à leur envoyer le même message: nous préférerions qu’ils n’existent pas. Certains d’entre eux ne comprennent que trop bien le message... » (p.105)


Le besoin pressant de changements législatifs dans la reconnaissance des unités familiales queer au Québec est tel que des récits comme celui-ci détiennent tellement de pouvoir. C’est peut-être dans la décennie qui suit que des lois plus puissantes sont adoptées pour habiliter et libérer la prochaine génération de jeunes queer – et les Québécois 2SLGBTQ+ – à avoir enfin pleinement accès au droit à une famille à part entière.





Quatrième section


2000 — présent: Ouvrir la voie à la parentalité queer et aux enfants à venir: littérature, multimédia et sensibilisation communautaire


C’est après les années 2000 que les droits à la parentalité queer et à l’éducation familiale au Québec ont vraiment commencé à être enchâssés dans la loi. En 2002, l’article 521 du Code civil du Québec a été modifié, créant le statut juridique d’une union civile entre deux personnes, peu importe leur sexe . Cela donnait aux personnes 2SLGBTQ+ les mêmes droits que les couples hétérosexuels mariés d’adopter des enfants et l’accès à l’affordance accordée par les lois sur le patrimoine familial. En 2004, la loi 59 a de nouveau modifié le Code civil afin d’accorder pleinement des droits en matière de mariage entre personnes de même sexe aux couples au Québec, la cinquième juridiction au monde à le faire, peu de temps avant que la Loi sur le mariage civil ne légalise le mariage homosexuel au niveau fédéral en 2005. Ces changements législatifs ont permis d’accroître la visibilité littéraire et médiatique, destinée aux parents (potentiels) 2LGBTQ+, aux enfants et au grand public québécois et canadien.



Un exemple d’une telle intervention est venu sous la forme du livre de 2007 de Sylvie Giasson Vivre avec l’homosexualité de son enfant, publié par Bayard à Montréal. Sa texte – qui fait suite à sa contribution à l’article de 2005 Out and About: Towards a Better Understanding of Gay, Lesbian, and Transgendered Persons in the Workplace – offre un guide complet mais concis qui a la tâche louable d’être accessible aux parents et à leurs enfants. Les chapitres présentent des témoignages de la part des mères et des pères, et des enfants LGBTQ + au cœur de l’objectif du livre d’aborder les luttes auxquelles leurs familles sont confrontées. Le premier chapitre, intitulé « J’ai perdu mon fils... », par exemple, révèle en termes particulièrement poignants les difficultés d’une mère à accepter la sexualité de son fils:


Sébastien a 23 ans. C’est un homme. Et c’est toujours mon enfant. Il n’y a pas si longtemps, quand il est sorti de la douche, torse nu, j’ai regardé sa peau lisse et étirée sur les muscles ondulés et je me suis retrouvé à penser que si cet homme gracieux et fort est sorti de mon ventre, c’est parce que la vie est vraiment un pur miracle. Il était beau, mon fils. Maintenant, quand je pense à lui, je ne peux m’empêcher de l’imaginer avoir des relations sexuelles avec un homme, ou plusieurs, qui sait, dans des positions sordides. C’est plus fort que moi, cette image m’obsède et me donne, pour moi, l’impression d’être sale. Je n’éprouve que du dégoût et de la honte. (p.23)


Plus tard, dans le chapitre cinq (Père et fils, rien ne va plus), nous apprenons d’un tendre moment de compréhension mutuelle entre un père et son fils gay suite à une dispute sur l’utilisation du téléphone de la maison pour appeler son chum:


J’ai dû m’assoupir aux petites heures du matin, le temps que Sébastien sorte de la maison pour repartir vers Montréal. À mon réveil, j’ai trouvé le café prêt à me réchauffer. C’est bien lui, cette marque d’attention envers moi. Sur la table de la cuisine, il nous avait laissé cette note :


« J’étais vieux, je suis venu au monde.
J’étais fermé, je suis devenue horizon.
J’étais de glace et je suis devenu rivière.
Peut-être ne comprendrez-vous jamais?
Mais je choisis de rester en vie comme je suis. »


Tout à coup, j’ai eu terriblement besoin de comprendre ce qui avait donné naissance à mon fils vingt ans après que, moi, je l’aie mis au monde. (p.50)


Le livre sert de trousse d’outils extrêmement utile pour les parents du Québec, qui ne savent pas comment aborder les questions entourant la sexualité de leur enfant. Plus important encore, peut-être, cela encourage les questions et la curiosité des deux côtés de la relation, faisant sortir la question de l’ombre pour qu’on en parle plus ouvertement. Ce livre est disponible dans la bibliothèque AGQ.



En 2013, REZO – un organisme de bienfaisance montréalais qui œuvre à la promotion de la santé et du bien-être des hommes gais, bisexuels et trans – a été mandaté par le ministère de la Justice du Québec pour produire le projet en ligne Mon fils gay, qui fait partie de l’initiative Lutte contre l’homophobie du gouvernement du Canada. Disponible sur son site Web, Mon fils gai cherche à dissiper les mythes sur l’homosexualité pour les parents; offrir un soutien pratique et des conseils aux jeunes hommes sur leur sexualité; et se connecter avec des organisations de services sociaux travaillant dans la prévention du suicide et des préjudices chez les jeunes. La section Témoignages du site est particulièrement utile, c’est-à-dire la sélection d’entrevues structurées avec des travailleurs sociaux, des parents et leurs jeunes enfants adultes, servant de ressource durable pour toutes ces parties à consulter même après sa publication il y a près d’une décennie.



En 2014, le groupe d’études de marché canadien Léger a publié les résultats de son étude Sondage d’auprès des Canadiens : L’homoparentalité. Cette enquête a échantillonné 1 511 personnes dans l’ensemble du Canada, les réponses des répondants ayant également été séparées en provinces et territoires. Certains éléments intéressants concernant le Québec sont apparus: 60% des Québécois connaissaient le terme « familles homoparentales », de loin le chiffre le plus élevé au Canada (p.9); 25% des Québécois interrogés ont déclaré qu’ils n’avaient « jamais » été témoins d’homophobie, encore une fois le plus élevé au pays (p.12); tandis que 85% des Québécois étaient d’accord avec l’affirmation « deux personnes du même sexe peuvent être de aussi bons parents que ceux du sexe opposé » -- encore une fois, le chiffre le plus élevé à l’échelle du pays. Bien que l’étude laisse les lecteurs tirer leurs propres conclusions sur le sujet des familles 2LGBTQ+ et de la parentalité, il est peut-être significatif que la tendance générale enregistrée chez les répondants québécois soit une tendance de plus de tolérance, d’ouverture et d’acceptation de la notion et de l’existence continue des unités familiales non hétérosexuelles au Canada d’aujourd’hui.



Les trois prochains livres, sortis entre 2014 et 2017 et disponibles à la bibliothèque des AGQ, offrent une ressource inestimable pour les enfants de familles homoparentales du Québec qui peuvent se sentir comme un étranger ou « différent » en raison de la façon dont leurs parents sont perçus. Ida-Jane et Olivier (Francine Labrie, 2014) raconte l’histoire de deux écoliers, Ida-Jane qui a deux pères, et Olivier, qui a deux mères, et du point de vue duquel l’histoire est racontée. Ils se forment rapidement une amitié étroite, repoussant quelques commentaires narquois de camarades de classe avec l’aide de leur professeur de soutien: l’histoire conclut « Ida-Jane et moi, nous formons une bonne équipe! Je pense que, très bientôt, je l’inviterai chez moi. Elle s’entendra très bien avec mes deux mères! ». Le second, Le dernier qui sort éteint la lumière (2017) de Simon Boulerice raconte l’histoire de deux jumelles, Arnold et Alia, qui approchent de leur treizième anniversaire. Ils vivent avec leurs deux pères – Papou et Poupa – qui leur envoient treize lettres qui découvriront qui est leur père biologique. Tout au long est un message d’amour inconditionnel, et triomphes homoparentaux sur les microaggressions dans la société, ainsi que les restes plus législatifs qui ont encore à faire avancer toutes les attitudes. Un tel exemple est lorsque la famille demande un laissez-passer familial pour une séance de mini-golf, seulement pour se faire dire qu’ils ne sont pas admissibles à un: ils ne sont pas, comme le dit le préposé, « Ben ... Une vraie famille, là. Genre: un monsieur, une madame et deux enfants... » (p.200). Toujours en 2017, Les Papas de Violette d’Émilie Chazerand et Gaëlle Souppart (publié en France) est sorti, et est remarquablement visuel et accessible aux jeunes lecteurs francophones. Violette a deux pères et, comme avec Ida-Jane et Olivier, suit le même arc narratif optimiste de trouver des amis à l’école après avoir été taquiné pour sa vie de famille. En conclusion, les auteurs écrivent à propos de la désormais petite amie de Violette: « Mais ce qu’elle préfère entre tout ça, ce sont mes deux papas ». Ce qui a pu sembler inimaginable, même une décennie auparavant, semble maintenant une réalité tangible, lisible et relatable: pour la prochaine génération d’adultes queer peuvent maintenant, eux aussi, aspirer à élever leur propre famille s’ils le souhaitent.



La collection éditée Familles LGBT: le guide (2015) de Mona Greenbaum offre également un aperçu incroyablement complet – du point de vue d’un praticien – pour les personnes 2SLGBTQ+ qui naviguent dans la vie de famille. Les chapitres vont des connaissances juridiques (chapitre 4) à la vie scolaire (chapitre 13), à la maternité lesbienne et bisexuelle (chapitre 5) et à la parentalité trans (chapitre 2). L’une des contributions les plus importantes à la collection est évidente dans le chapitre 1, où l’auteur déconstruit et rend accessibles les règles compliquées du Québec en matière d’adoption, de maternité de substitution et de contrats parentaux. En effet, il y a sept pages (24 - 30) consacrées à différentes structures familiales homoparentales, allant de la procréation assistée et de l’insémination (p.27), à la coparentalité (p.28) et aux règles délicates concernant la maternité de substitution (p.29) en relation avec le Code civil. Ce livre est disponible à la bibliothèque des AGQ.



Le livre 2021 de Serge Fisette, L’homosexualité masculine au Québec, retrace également – chronologiquement – quelques-unes des avancées les plus importantes en matière de libération masculine gaie dans la province, avec quelques réflexions également sur la famille. En particulier dans le chapitre 8, Fisette soulève le débat sur les unions civiles par rapport au mariage homosexuel (à la suite de l’amendement au projet de loi 84 qui a permis l’adoption de personnes de même sexe en 2002), et établit des liens avec les progrès dans les couples de même sexe qui adoptent et élèvent leurs propres enfants: à la page 231, par exemple, Fisette cite la greffière juridique de la Cour supérieure Sherley Morin:


La loi reconnaît de plus qu’un enfant peut avoir deux pères ou deux mères et précise les règles de filiation des conjoints sur l’acte de naissance de l’enfant. Ces dispositions donnent à la loi son caractère unique dans le monde … « Une loi aussi complète, il n’y en a pas d’autres sur la planète ».


Sur lequel Fisette réfléchit:


Ce n’est pas encore le marriage, mais on s’en approche...



Pour conclure cette chronologie, il est important de réfléchir à l’une des ressources les plus récentes et les plus percutantes conçues spécifiquement pour répondre aux besoins des Premières Nations et des communautés autochtones du Québec. Le rapport LGBTQ+ et bi-esprits autochtones a été publié en 2021 et a été commandé par la Coalition des familles LGBT et Femmes et Égalité des genres Canada pour faire partie du projet plus large « Diversité familiale : créer un réseau régional et intersectionnel ». Le présent rapport aborde certains des principaux obstacles qui empêchent ces collectivités d’accéder aux réseaux de soutien familial et aux services sociaux lorsqu’il s’agit de questions d’identité sexuelle et de genre, à savoir que [traduit de l’anglais] :


« Les répondants des quatre organisations régionales se sont dits préoccupés par l’utilisation des services de formation offerts par des sources non autochtones, en raison de préoccupations au sujet de la sécurité et de la sensibilité culturelles. Comme ils l’ont indiqué, des services de formation non spécifiques à la culture sont disponibles, mais les personnes qui leur enseignent ne sont pas conscients ou conscientes des réalités des peuples autochtones, de leur vie et de leurs communautés et, par conséquent, sont souvent incapables d’établir des liens avec les participants autochtones. » (p.20)


En conséquence, le rapport note que les problèmes de santé mentale, la pauvreté, le racisme et le chômage – qui affligent déjà de manière disproportionnée ces communautés en tant que vestige du traumatisme colonial et du manque de prestation de services adéquats – sont en fait exacerbés par le manque de niveaux d’engagement et d’interventions appropriées pour l’utilisateur. En effet, il y a un double niveau d’oppression sur les peuples autochtones LGBTQ+ et bi-spirituels : d’une part, en raison de la mauvaise acceptation par la société canadienne de l’identité bi-spirituelle et de l’application des binaires sexuels et de genre, et, d’autre part – et particulièrement dans les agglomérations urbaines du Québec – en raison de la stricte prestation d’interventions sociales uniquement en français ou en anglais, et non dans les langues autochtones.


Ce manque d’engagement approprié avec les communautés autochtones n’a fait qu’exacerber le traumatisme découlant du système des pensionnats, où [traduit de l’anglais] « l’hétérosexualité est devenue obligatoire dans la Loi sur les Indiens avec l’imposition de connaissances patriarcales et hétérosexistes » (p. 7), et a créé « une ascendance institutionnalisée à travers la lignée masculine [qui] simplement « naturalisé » la famille nucléaire hétérosexuelle au sein des collectivités des Premières nations » (citant Cannon, 1998 (10), p. 7). De plus, le rapport cite la « Sixties Scoop des années soixante » – qui a retiré les enfants autochtones de leur famille (p. 23) – comme une raison supplémentaire de la méfiance à l’égard des interventions de services sociaux non autochtones familiarisées et, en réponse, énonce son objectif de :


« [...] développer la capacité régionale et intersectionnelle de la Coalition des familles LGBTQ+ en mettant l’accent sur la consultation et le réseautage grâce à des partenariats avec des organismes LGBTQ2S+ dans sept régions administratives du Québec. La Coalition souhaite améliorer ses compétences en développant une meilleure compréhension des familles autochtones et racialisées et des défis et obstacles auxquels elles sont confrontées. En tendant la main aux populations LGBTQ+ vivant dans diverses régions et en consultant les organismes locaux, la Coalition obtiendra l’information dont elle a besoin afin d’élaborer un plan stratégique pour mieux les représenter et les servir. » (p.10).


Le rapport conclut en faisant 14 recommandations pour la Coalition des familles LGBT+ et d’autres fournisseurs de services afin de rendre leurs interventions plus appropriées pour les groupes autochtones, dont la première se lit comme suit :


La Coalition des familles LGBT+ devrait créer un groupe territorial LGBTQ+ et Bi-Spirit qui pourrait organiser, faire du lobbying, chercher du financement pour des formations de sensibilisation et poursuivre la recherche sur les personnes et les familles autochtones LGBTQ2S vivant dans les régions administratives désignées du Québec. Il est impératif que cette organisation soit représentative de toutes les nations vivant à l’intérieur des frontières de la province et qu’elle soit dirigée selon une approche autochtone, par opposition à l’approche hiérarchique et généralisée des non-Autochtones. (p.28).


Plus important encore, le rapport vise le respect des peuples autochtones en donnant à leurs communautés les moyens de contrôler leurs propres relations avec les fournisseurs de services sociaux : Elizabeth Diane Labelle, coordonnatrice des services aux membres autochtones, conclut [traduit de l’anglais]:


« Dans tous les domaines, il est important de respecter les communautés autochtones et leur contrôle sur les questions qui les concernent. Il y a trop longtemps que ces communautés ont été mises en place par d’autres qui croient savoir ce qui est le mieux pour les peuples autochtones. La guérison est un processus autodirigé, qui ne peut être dirigé que par les communautés autochtones elles-mêmes. » (p.27)





Conclusion


J’espère que cette exposition en ligne a donné un aperçu de la façon dont la vie des familles, des jeunes et des communautés de 2SLGBTQ+ a changé au Québec depuis les années 1960. Bien que le chemin vers la libération complète et l’existence sans stigmatisation pour ces communautés – aux yeux de la société et de la loi – soit en cours de route, cette chronologie a peut-être provisoirement mis en évidence le fait que le Québec est maintenant un endroit plus ouvert pour les personnes queer pour élever des enfants, et pour les jeunes queer d’exister et de s’épanouir dans le cadre d’une société plus large, qu’il ne l’était dans le passé. Le temps nous dira sûrement comment les recommandations des intervenants et des praticiens du rapport LGBTQ+ et Bi-Spirit autochtones seront mises en œuvre à l’échelle provinciale et fédérale, et comment l’essor des médias sociaux et des échanges d’opinions en ligne presque instantanés seront utilisés dans le débat entourant la parentalité queer. En fin de compte, cependant, j’espère que cette ressource pourra aider n’importe qui – de n’importe quelle sexualité – à mieux comprendre les parcours en cours entrepris par les communautés 2SLGBTQ+ du Québec et leur insertion dans la vie familiale de nos jours, en repensant aux histoires partagées dans notre réflexion sur l’avenir.





Remerciements


J’exprime ma gratitude à tous les membres des Archives gaies du Québec pour m’avoir aidé à planifier ce projet, qui a commencé comme une idée au Royaume-Uni en novembre 2021, jusqu’à sa réalisation à Montréal pendant l’été 2022. Le personnel, les bénévoles, les amis et la communauté des AGQ ont apporté des connaissances, un soutien et une amitié inestimables tout au long de mon séjour dans la ville, pour lesquels je resterai extrêmement reconnaissant. Je remercie particulièrement Jonathan Proulx Guimond, qui m’a aidé à rendre ce document disponible sur le site web des AGQ


Merci également à Fierté MTL, et de m’avoir donné l’occasion de m’engager auprès de la communauté 2SLGBTQ+ de Montréal et de mettre en valeur les AGQ à travers les journées communautaires qui ont marqué la saison fierté de cette année.


Je suis également reconnaissant au Conseil de recherches en arts et en sciences humaines du Royaume-Uni, dont le financement doctoral a rendu possible mon séjour ici à Montréal, et sans qui je n’aurais pas été encouragé et soutenu à entreprendre ce projet.




Contact


Billy Errington (il/lui)


billy.errington@durham.ac.uk
info@agq.qc.ca