Conférence – Louis Godbout

Louis Godbout a été bénévole pour les Archives gaies du Québec pendant de nombreuses années. Scientifique de profession, il est collectionneur et historien amateur. Il a produit plusieurs conférences multimédia sur la culture et l’histoire gaie. Il a publié une édition annotée de l’Alcibiade enfant à l’école (Balzac,1995; réédité chez H&O, 2006), dialogue carnavalesque du XVIIe siècle et a contribué au Dictionnaire de l’homophobie (PUF, 2003). Il met régulièrement des pièces rares ou uniques de sa collection à la disposition de chercheurs et d’éditeurs.

Ébauches et débauches:
La littérature homosexuelle française 1859-1939

La prise de conscience et la prise de parole des homosexuels se sont d’abord faites par le livre. Et c’est par l’histoire de la littérature, plus encore que par celle de la médecine, de la criminologie ou de la psychologie, que l’on peut comprendre l’histoire de l’homosexualité.

 

Car la littérature homosexuelle ne date pas d’hier : elle existait avant même l’invention du mot « homosexuel ». Déjà au XVIIIe siècle, plusieurs romans et poèmes mettent en scène des « sodomites ». Plus tard, au début du XIXe, Balzac s’occupe des « tantes » et nous révèle dans la relation entre le bagnard Vautrin et le jeune poète Lucien de Rubempré le ressort caché qui entraîne l’intrigue des Illusions perdues et de Splendeurs et misères des courtisanes.

 

Ce n’est cependant qu’en 1859 que paraît Monsieur Auguste, premier roman dont le thème central est l’homosexualité. Première d’une série d’ébauches qui donne naissance à une littérature particulière, ce roman sera suivi de centaines d’autres, dans un essor qui culminera avec des oeuvres revendicatrices au cours des années 1920 et 1930. Tout cela ne manquera pas de choquer critiques et écrivains homophobes de même que les autorités judiciaires, qui n’y voient que débauches.

 

Survol d’une littérature censurée ou négligée, cette conférence rétablira des filiations entre des oeuvres injustement oubliées et celles plus connues d’écrivains « canonisés » tels Proust et Genet. Elle s’attardera aussi à faire le portrait d’une évolution sociale marquée par des affaires retentissantes. Il y sera notamment question du procès du roman Escal-Vigor en 1900, durant lequel toute l’élite lettrée et progressiste vola à la rescousse de l’écrivain Georges Eekhoud, et du déchaînement homophobe de la presse lors de la publication du Corydon d’André Gide en 1924.

 

Grandes oeuvres littéraires ou romans populaires de bas étage, ces livres — allant d’un lyrisme exalté à une pornographie saugrenue, de la prise de conscience la plus éclairée au miroir déformant — furent les lectures de chevet et garnirent les rayons de bibliothèques des uranistes, pervertis, invertis et homosexuels d’antan.

 

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Le rideau rose:
Histoire du théâtre gai et lesbien jusqu’en 1969

Avant la révolte de Stonewall en 1969, le théâtre fut l’un des seuls lieux où l’on pouvait voir en public ces étranges créatures qu’étaient l’homosexuel et la lesbienne. Et s’il est vrai que les portraits d’homosexuels suicidaires et de lesbiennes criminelles y abondaient, il y eut aussi des pièces offrant des images moins effrayantes.

 

Bien qu’il existe plusieurs facéties érotiques anciennes comme Le Roi de Sodome et Les Plaisirs du cloître, ce ne fut qu’au tournant du dix-neuvième siècle qu’une dramaturgie homosexuelle prit forme, autour du grand acteur Édouard de Max. Il inspira le personnage excentrique mais sympathique du caricatural Monsieur aux chrysanthèmes qui fut applaudie par le public et la critique en 1908. Il fut aussi le protecteur d’André Gide qui écrivit pour lui son Saül et de Jean Cocteau qu’il lança dans le monde.

 

Au cours de la courte période d’émancipation de l’entre-deux guerres, des œuvres puissantes et revendicatrices, telles La Prisonnière (1926) et Le Procès d’Oscar Wilde (1935) prirent l’affiche. Elles furent jouées devant des salles bondées de gais et de lesbiennes qui, pour la première fois, se reconnaissaient sur scène.

 

Les années 1939-1969 révélèrent le talent exceptionnel de Jean Genet, dont la première pièce, Haute surveillance, fut créée 1949. Ce fut l’époque de comédies homosexuelles aux visions positives comme Les Œufs de l’autruche (1948) et de drames bouleversants comme Sud (1953) et La Ville dont le prince est un enfant (publiée en 1951, créée en 1967). Le théâtre québécois fut aussi particulièrement fécond, avec des pièces comme La Cathédrale (1949), Au retour des oies blanches (1966) et L’Exécution (1968).

 

Cette histoire fascinante du théâtre gai et lesbien sera ponctuée d’anecdotes et de potins croustillants sur les coulisses du monde du spectacle. Photographies, documents inédits et extraits d’adaptations cinématographiques, viendront compléter cette conférence.

 

Beaux enfans de Sodome:
Images homosexuelles du
XVIIIe siècle

Sodomites, bougres ou bardaches, peu importe comment on les appelait, les homosexuels ont longtemps été bannis de l’art et de la littérature, si ce n’est pour être cantonnés dans des représentations idéalisées de mythes païens, tel celui de Jupiter et Ganymède. Ce n’est qu’au Siècle des Lumières que surgiront les premiers portraits, pas toujours flatteurs, d’homosexuels comme personnages de romans ou sujets à gravures.

 

Alors que s’éteignent les derniers bûchers, ces beaux enfans de Sodome renaissent de leurs cendres et s’en donnent à cœur joie, profitant de l’esprit de fronde anti religieuse et de la large diffusion des livres obscènes et des estampes licencieuses.Naïves, comiques ou érotiques, plus de cinquante images, dont une vingtaine jamais reproduites, seront présentées et commentées pour vous faire découvrir un revers inexploré de l’histoire du XVIIIe siècle.

 

© Louis Godbout