Durant l’été 2019, les Archives gaies du Québec ont renouvelé et actualisé leur exposition antérieure nommée Histoires de nos vies. Histoire des communautés LGBTQ2S+ du Québec reprend le même contenu tout en y ajoutant des réalités qui n’avait pas été prises en compte, telle que celle des personnes trans. Elle a pour but de faire un rapide survol historique de la diversité sexuelle québécoise. Ces nouveaux tableaux ont été présentés dans le cadre de Fierté Montréal au Cinéma du Parc du 1er août 2019 au 22 septembre 2019. Nous vous invitons à y jeter un oeil ou sinon à les contempler à nouveau.
Cliquez sur chacun d’eux pour voir en détail les contenus.
00 HISTOIRES DES COMMUNAUTÉS LGBTQ2S+ UNE EXPOSITION DES ARCHIVES GAIES DU QUÉBEC
Cette exposition comprend huit tableaux qui retracent certains évènements de l’histoire du
Québec, du XVIIe siècle à nos jours. On y montre l’évolution de la société vis-à-vis l’homosexualité
et le lesbianisme dans les époques passées. On y aborde également la diversité sexuelle
contemporaine. L’exposition a été élaborée à partir des tableaux de l’exposition Histoires de
nos vies des Archives gaies du Québec que l’on peut consulter sur leur site agq,qc.ca. Les six
premiers tableaux de l’exposition HISTOIRES DES COMMUNAUTÉS LGBTQ2S+ sont composés
à partir des 17 tableaux des Histoires de nos vies. À ceux-ci, s’ajoutent deux nouveaux tableaux
qui reflètent la réalité d’aujourd’hui. Cette exposition a été rendue possible grâce à l’appui
financier de Fierté Montréal. Elle sera au Cinéma du Parc du 1er août au 22 septembre 2019.
ARCHIVES GAIES DU QUÉBEC
Notre mission
Acquérir, conserver et diffuser tout document qui témoigne de l’histoire des associations et des individus LGBTQ2S+.
Promouvoir la diversité et l’inclusion des personnes LGBTQ2S+.
Actualiser le contenu de ses collections sur tous les aspects de genre et de sexualité.
Promouvoir la recherche sur les minorités sexuelles et de genre et la reconnaissance de leurs riches contributions à l’histoire du Québec.
Un rôle essentiel
En conservant des fonds d’archives et des collections et en organisant
des activités de diffusion et en accueillant des chercheurs et de
nombreux visiteurs, les Archives jouent un rôle essentiel de gardien de
la mémoire et voient au rayonnement de l’histoire des communautés
LGBTQ2S+ d’ici et d’ailleurs.
Une équipe
Le travail accompli par les AGQ est entièrement assuré par une douzaine de membres bénévoles, qui s’impliquent de plusieurs manières dans la bonne gestion de l’organisme et de ses collections.
Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles personnes intéressées à travailler avec nous pour maintenir et développer les Archives.
Nos collections
Nos collections se composent d’imprimés (livres, périodiques, affiches, dépliants et coupures de presse), de manuscrits (personnels ou institutionnels), de photos, de vidéos, de films, et de toute une gamme d’oeuvres variées, dont de nombreux tableaux.
Nous possédons environ 1 000 titres de périodiques, 2 000 livres, 1 000 brochures et tirés à part, 2 000 affiches, 50 000 photos, 1 200 documents audio-visuels, une vingtaine de boîtes de macarons, bannières, t-shirts et autres objets, plus de 3 mètres linéaires de coupures de presse et 1 200 dossiers sur des groupes, des individus ou des thèmes, dont 350 concernant le sida.
Notre histoire
Les Archives gaies du Québec ont été fondées à Montréal en 1983, au moment où la communauté gaie alors en plein essor, fait face à une vague de répression policière et au début de la crise du sida.
En 1985, l’organisme obtient le statut d’OBNL et, en 1990, celui d’organisme de bienfaisance.
Financement
Les Archives sont financées par des dons et des legs d’individus
et de corporations, ainsi que par des évènements bénéfices. Nous
recevons également des subventions occasionnelles pour des projets
spécifiques.
D’ où l’importance de votre implication et de votre engagement envers
l’histoire des communautés LGBTQ2S+ au Québec, au Canada et dans
le monde.
REMERCIEMENTS
REMERCIEMENTS
Cette exposition est une production des Archives gaies du Québec,
présentée dans le cadre des célébrations de FIERTÉ MONTRÉAL
COORDONNATEUR Pierre Pilotte
RÉDACTION DES TEXTES Fabien Galipeau, Louis Godbout, Laurent
Lafontant, Shawn McCutcheon, Pierre-Henri Minot.
CONFÉRENCIER Louis Godbout
GRAPHISME Folio et Garetti
PRÊT DU DOCUMENTAIRE Guilda elle est bien dans ma peau : Phare-Est
Média
En partenariat avec : le magazine FUGUES et le Cinéma du Parc
Cette exposition est rendue possible financièrement grâce à :
André Chénard, Fonds Diversité sexuelle-Laurent McCutcheon, Claude
Gosselin, Pierre Landry, Charles Lapointe, Gilles Legault, Pierre Pilotte,
Québecor, Succession Frank W. Remiggi, les donatrices et les donateurs
des Archives gaies du Québec et FIERTÉ MONTRÉAL.
01 Quatre bons bougres de soldats en Nouvelle-France
Montréal est fondée par des dévots catholiques issus d’un
mouvement de ferveur religieuse qui déferlait en France au
17e siècle. En 1648, à peine six ans après la fondation de Ville-
Marie, un jeune tambour du régiment est accusé du « pire
des crimes ». Les Jésuites, qui relatent son cas, interviennent
en sa faveur auprès des Sulpiciens, seigneurs de Montréal. Sa
sentence devait l’expédier aux galères, mais elle est commuée
à condition qu’il devienne le premier bourreau de la Nouvelle-
France.
Le partenaire du tambour n’est pas identifié, mais il pourrait
bien s’agir d’un Amérindien, car les explorateurs français
Charlevoix, Marquette, le baron de Lahontan et bien d’autres,
relatent que certaines nations s’adonnent à la sodomie et
comptent parmi elles des hommes qui « n’avaient point de
honte d’y prendre l’habillement des Femmes, & de s’assujettir
à toutes les occupations propres du Sexe, d’où s’ensuivait
une corruption qui ne se peut exprimer. »
Dans ses directives aux confesseurs de la colonie, l’irascible
Monseigneur de Saint-Vallier spécifie que lui seul peut absoudre
« Ceux qui commettent les détestables péchez de Sodomie &
de bestialité ». Heureusement, cet évêque inflexible et abhorré
par plusieurs, est à Paris lorsque qu’en 1691, deux soldats et
un lieutenant d’une Compagnie du détachement de la Marine
en poste à Montréal, sont accusés du crime de sodomie. On
entreprend les interrogatoires, mais le lieutenant Nicolas
Daussy de Saint-Michel refuse obstinément de répondre aux
questions. Il ne reconnaît pas l’autorité du bailli et demande
à être jugé par le Conseil Souverain alors même que les deux
soldats, Forgeron dit La Rose et Filion dit Dubois, ont déjà
confessé. Le Conseil Souverain lui donne raison et ordonne
que soient repris tous les interrogatoires. On peut déduire
d’après les délibérations que le crime a probablement eu lieu
en public, peut-être dans une des nombreuses tavernes de la
ville, puisque pas moins de huit témoins sont cités. La Rose
est condamné à deux ans de service militaire supplémentaire
et Dubois à trois, alors que Daussy de Saint-Michel, reconnu
comme l’incitateur des infamies, est banni de la colonie et
doit payer deux cents livres aux pauvres ainsi que tous les
frais. Le jour même du procès, le 12 novembre 1691, l’intendant
Bochart de Champigny résume le tout dans une missive au
Ministre de la marine par la phrase suivante : « Le Sr St Michel,
lieutenant accusé de plusieurs actions salles et ordurières
commises avec des soldats, a esté jugé aujourd’hui par le
conseil souverain et condamné au bannissement perpétuel
de ce pays ; il repasse en France par un de nos navires. » Si
l’on considère que le châtiment prescrit était la mort par le
feu, les peines encourues sont relativement très légères.
Voici ce qu’on sait qu’il advint à nos quatre bons bougres de
soldats : le tambour du régiment de Maisonneuve ne tint pas
son office d’exécuteur des hautes oeuvres très longtemps,
car dès 1653, la colonie n’a plus de bourreau. Est-il mort du
scorbut ou d’une autre maladie qui décimait les habitants de
la Nouvelle-France ? Ou s’est-il échappé de ce métier infamant
en se sauvant pour courir les bois ? Quant à Forgeron dit
La Rose, on le retrouve à l’hôpital peu de temps après le
procès, bien mal-en-point, et puis on perd sa trace. Filion
dit Dubois, quant à lui, se mariera trois fois et engendrera
dix-sept enfants avant sa mort en 1711. De toute évidence, il
chassait à poil et à plume. Si vos ancêtres sont du Québec,
il y a de bonnes chances qu’il soit votre aïeul. Finalement,
Daussy de Saint-Michel, rentré en France, a dû poursuivre
sa carrière militaire. Gageons qu’en brave lieutenant, son
bannissement ne l’empêcha pas de reprendre la charge avec
d’autres soldats.
02 Émergence d’une sous-culture homosexuelle, à Montréal et en province (1886-1892)
Vers la fin du 19e siècle, Montréal compte déjà un certain
nombre d’endroits connus comme lieux de rencontre
pour homosexuels. Une nouvelle dans La Presse intitulée
« L’Association nocturne » décrit de façon détaillée ce qui se
passe au Champ-de-Mars, situé derrière l’Hôtel de ville et le
Palais de justice. Ce lieu est alors, comme l’indique son nom,
un terrain d’exercice militaire où se déroulent, de jour, des
célébrations publiques, mais aussi un endroit à la mode pour
la promenade du soir. Le manège qui s’y déroule de nuit,
c’est-à-dire la drague entre hommes parmi les peupliers qui
le longent, fournit notre premier indice de l’existence d’un
milieu social homosexuel dans la ville. Malheureusement,
l’article relate l’arrestation de Clovis Villeneuve, pris au piège
par un agent provocateur, une ignoble pratique policière
encore utilisée aujourd’hui.
Autre lieu fréquenté par les homosexuels, le parc de l’île
Sainte-Hélène est créé au cours des années 1870, à côté du
fort et d’un club privé de natation. Pendant la belle saison,
un bac le dessert pour dix sous à partir d’un endroit près du
quai Victoria. Les gravures de l’époque montrent les gens qui
s’y promènent, pique-niquent, jouent au croquet et discutent
avec les soldats de la caserne. Mais ici comme dans les hangars
et sur les bateaux du port, on trouve d’autres formes de
divertissement... À l’été 1891, deux hommes, William Cooney,
30 ans, et William Robinson, 19 ans, sont surpris en flagrant
délit de grossière indécence par le policier Ovide Tessier. Ils
sont condamnés, l’un à six mois et l’autre à neuf mois de
travaux forcés et sont soumis au fouet à intervalles réguliers
pendant la durée de leur peine.
Mais ce n’est pas que dans les grandes villes comme Montréal
que les homosexuels trouvent des lieux de rencontres, qu’il
s’agisse de cafés, de bars ou de parcs publics. En 1892, un
terrible scandale éclate dans la petite ville de Saint-Jean
(aujourd’hui Saint-Jean-sur-Richelieu). Un curé du lieu
fulmine en chaire contre un groupe curieusement nommé
« Le club des manches de ligne », dont la vingtaine de
membres auraient des pratiques « contre-nature ». Suite à
cette dénonciation, le maire de la ville fait appel à une agence
de détectives pour piéger les coupables. Quatre d’entre eux
sont accusés « d’assaut indécent » et arrêtés, même si l’on doit
rattraper à Montréal l’un d’eux, un avocat qui avait tenté de
s’échapper en sautant dans le train du matin. À son retour le
soir même, environ trois cents de ses concitoyens l’attendent
à la gare pour le lyncher, mais heureusement les policiers qui
l’accompagnent le protègent. Après leur remise en liberté
moyennant de fortes cautions, les quatre compagnons seront
saisis, fouettés sur la place publique, et finalement chassés
de la ville par une populace hostile qui n’apprécie pas que
le scandale ait franchi les frontières et se soit retrouvé en
première page du New York Times.
03 Le Club du Docteur Geoffrion (1908)
L’étendue de la sous-culture homosexuelle au Québec au
début du 20e siècle nous est révélée par la couverture de
presse et par le volumineux dossier criminel concernant le
docteur Ulric Geoffrion et ses amis. Ce médecin de quarante
ans qui pratique dans ce qu’on appelle alors « la partie est » de
la ville, plus précisément au 1219 Sainte-Catherine Est, entre
les rues Parthenais et Fullum, accueille chez lui bon nombre
de « jeunes gens » peu fortunés (et prêts à monnayer leurs
services) ainsi que des messieurs plus ou moins bien établis.
Dans ce lieu de rendez-vous, un « club où on s’amusait les
hommes avec les hommes », règne une atmosphère de liberté
inouïe. On s’informe candidement de la vigueur sexuelle du
moment, comme en fait foi cette conversation rapportée par
la police : « quelqu’un a demandé au docteur s’il en avait une
belle ce soir. Le docteur a commencé à se tâter et il a dit :
« non, pas ce soir » quelqu’un de ceux qui étaient là a dit : « Hier
soir vous en aviez une de cette grosseur là (le témoin montre
son bras) et c’est tout ce qu’on a pu faire pour la prendre
dans notre bouche. » On passe aussi de la parole aux actes,
puisqu’une pièce fermée par un rideau où il y a un lit permet
aux habitués de s’y « sucer » et de s’y « crosser » mutuellement ;
on dit de ceux qui s’y trouvent qu’ils sont « en fonction ». Il
existe même des rites d’initiation, puisqu’on insiste pour que
le docteur fasse « la cérémonie » aux nouveaux venus.
Plus fascinant encore que la liberté de parole et d’action
est la solidarité des membres de ce club. Car derrière leur
humour « folle » qui les pousse à s’appeler entre eux « soeur »
ou « ma soeur » se cache un véritable sentiment de fraternité
(ou de « sorellité ») qui s’étend jusqu’aux « soeurs » venues
d’ailleurs. C’est d’ailleurs le devoir d’entraide à l’égard d’une
prétendue « soeur » de la ville de Québec qui cause la perte
du docteur Geoffrion. « Soeur Trudeau » à qui un membre du
club promet de trouver un emploi au Canadien Pacifique
s’avèrera être le constable Arthur Gagnon. Son témoignage
sera accablant tout autant que celui d’un jeune prostitué de
seize ans, Albert Bonin. La police a suivi ce dernier jusque
chez lui pour « avertir » son père. Son premier mouvement
sera de « déserter » le foyer familial pour alerter le docteur
Geoffrion, mais, soit qu’il ait été intimidé par la police ou
soumis par l’autorité paternelle, il passe bientôt à table. Mal
lui en prit car il sera condamné à trois ans de travaux forcés
dans une école de réforme.
Les autres prévenus s’en tirent avec des amendes de 50 $
à 500 $ et des engagements à garder la paix, mais pour le
docteur Geoffrion, que le juge perçoit comme un corrupteur
de la jeunesse et « un malade incurable plus dangereux qu’un
pestiféré », la justice sera implacable : 15 ans de réclusion au
pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul.
Tous ces homosexuels sont victimes d’une action concertée
des autorités, qui déjà affecte des « agents spéciaux » à
la surveillance et à la destruction des « clubs ». Il n’est pas
surprenant de trouver à la tête de cette police le chef
inspecteur Carpenter, qui seize ans plus tôt, en 1892, avait
dirigé le démantèlement du « club des manches de ligne » de
Saint-Jean-sur-Richelieu.
04 Front de libération homosexuel (1971)
Dans le sillage de la contreculture et de la mobilisation, au cours des années 1960, des
femmes, des noirs et des jeunes apparaît soudainement le mouvement de libération gaie.
Il prend forme à partir des émeutes du Stonewall Inn de New York, en juin 1969, un jour
après qu’au Canada la loi Omnibus décriminalise les actes homosexuels entre deux adultes
consentants en privé. Les groupes précurseurs du mouvement homophile sont vite débordés
par les revendications de groupes plus jeunes et plus militants qui se répandent à travers
l’Amérique du Nord.
À Montréal, la revue Mainmise est le fer de lance de la contreculture et c’est par son
entremise qu’est publié le premier appel pour la formation d’un groupe gai pour la défense
des droits des gais. Fondé au printemps 1971, le Front de libération homosexuel (FLH)
ouvre rapidement un local rue Saint-Denis où les gais peuvent se rencontrer pour parler,
participer à des discussions et écrire leurs commentaires dans le « livre de bord ». Au cours
de l’année qui suit, le FLH organise les premières danses gaies à Montréal. En juin 1972,
le groupe déménage dans un plus grand espace, angle Sainte-Catherine et Sanguinet.
Malheureusement, alors qu’ils pendent la crémaillère, la police fait une descente et quarante
personnes sont conduites au poste central de la police. Raison de ces arrestations : on avait
omis de se procurer un permis d’alcool pour l’occasion. Dans l’atmosphère répressive de
l’époque, ces arrestations suffisent à étouffer le groupe et pendant deux ans il n’y aura
aucune organisation gaie francophone à Montréal.
Malgré cela, Mainmise continue d’inclure dans ses pages plusieurs articles à contenu gai. De
plus, en 1973, apparaît la librairie L’Androgyne pour desservir les gais et les lesbiennes. En
1977, l’Association pour les droits des gais du Québec (ADGQ) est fondée, qui deviendra par
la suite l’Association pour les droits des gais et des lesbiennes du Québec (ADGLQ), prend
le relais pour revendiquer politiquement des droits pour les gais et les lesbiennes. Ces
organisations ont maintenant disparu mais elles ont été remplacées par une foule d’autres
organisations plus militantes et plus revendicatrices.
Le SIDA
Après l’apparition du VIH sur la scène publique en 1981 à New York, c’est au tour de Montréal
où les hommes gais, bisexuels ou qui ont du sexe avec d’autres hommes sont durement
touchés. Voici résumée en quelques moments significatifs l’évolution de cette terrible
maladie :
En 1981, le sida ouvre une période de panique et de confusion, suivie des premières
réponses : campagne « safer sex », campagnes de financement et mesures ad hoc pour
soigner les amis malades.
Après 1983, les groupes communautaires de prévention et de soins ainsi que les
gouvernements s’organisent. Les gais font cause commune avec les Haïtiens, les femmes,
les autres groupes affectés et les professionnels de la santé. À partir de 1985-86, les premiers
tests de dépistage et le premier traitement ralentissent la progression de l’infection.
Au Ve congrès international sur le sida à Montréal en 1989 naît un militantisme nouveau. Act-
Up Montréal y dénonce le manque de financement public pour le traitement et la prévention.
Le Québec s’adapte à la diversité : utilisateurs de drogues, Autochtones, minorités ethniques
et visibles, sont représentés.
En 1995-96, les traitements changent radicalement le quotidien et le pronostic des
personnes qui vivent avec le VIH. Malgré une posologie imposante et des effets secondaires
très lourds, l’optimisme se pointe après une longue descente. Le Québec prend le nouveau
virage de l’épidémie.
A l’ère d’un comprimé quotidien, des traitements préventifs, de la charge virale indétectable
supprimant le risque de transmission, les nouvelles infections n’en continuent pas moins.
Les inégalités sociales et juridiques sont nombreuses, et la stigmatisation pèse toujours
plus sur les personnes atteintes de la maladie ou porteuses du virus.
Chaque année, le 1er décembre, nous commémorons à la Journée mondial du sida toutes
les personnes touchées par cette crise sans précédent.
On blâme le désintéressement du public à l’égard du sida, l’insouciance des jeunes qui n’ont
pas connu la crise. Mais est-elle terminée ? Des millions de personnes attendent encore
un accès durable aux traitements et il faut que la mobilisation se poursuive pour que les
initiatives mondiales se multiplient. Pourra-t-on voir la fin du sida d’ici 2030 ?
Pour en savoir plus, on peut s’informer auprès de la Coalition des organismes communautaires
québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA) : www.cocqsida.com
Pendant plusieurs décennies, les bars ont fait partie de la
culture lesbienne. À Montréal, vers la fin des années 60, naît
le premier bar exclusivement pour lesbiennes, le Baby Face
Disco. La propriétaire, Denise Cassidy, tenait à ce que les
femmes s’y sentent en sécurité et à l’abri du harcèlement
des hommes. Elle y avait aussi instauré des codes et des
règlements à respecter afin de limiter les conflits avec
les policiers et les risques de descentes policières. Les
années 70 amènent de la nouveauté grâce au mouvement
féministe permettant un accès considérable à l’éducation
postsecondaire et une meilleure autonomie des femmes. La
clientèle des bars devenait ainsi plus diversifiée, mêlant les
langues et les classes sociales, alors qu’auparavant, les bars
étaient principalement fréquentés par les lesbiennes de la
classe ouvrière. Le bar Chez Madame Arthur était également
un lieu priorisé par les lesbiennes à Montréal, mais en 1974,
il y eut un boycott en raison du harcèlement vécu par une
cliente de la part d’un ami du propriétaire de l’établissement.
Pour celles qui désiraient échapper au commercialisme
des bars, les danses entre femmes étaient des événements
communautaires très populaires.
LE MOUVEMENT LESBIEN AU QUÉBEC
Les années 60 et 70 au Québec sont caractérisées par le
bouillonnement des mouvements sociaux. Selon Tremblay
et Podmore (2015), le mouvement lesbien québécois aurait
émergé grâce au recoupement de deux autres mouvements :
le féminisme et le mouvement de libération gaie. La première
organisation lesbienne distincte des groupes féministes est
fondée en 1973 par des femmes qui ont quitté le groupe de
libération gaie de l’Université McGill : c’est le « Montreal Gay
Women ». Certains membres de ce groupe ont participé à la
publication de Long Time Coming, une des revues lesbiennes
très en vue au Canada entre 1973 et 1976. Les lesbiennes
francophones étaient parfois actives dans ces groupes,
notamment lors de la tenue des congrès de lesbiennes en 1974
et 1975. La « Coop femmes », le premier groupe francophone
de lesbiennes, est établi en 1976.
06 Que sont les lesbiennes devenues ? (1980 à Aujourd’hui)
La deuxième vague du mouvement féministe, plus radicale,
a eu une influence sur la communauté lesbienne des années
80. En effet, les bars pour lesbiennes étaient détenus par
des femmes et accessibles uniquement aux femmes. Trois
bars étaient bien connus durant ces années dans la ville de
Montréal : le Labyris, le Lilith et L’Exit. Plusieurs périodiques
pour lesbiennes ont vu le jour, dont des périodiques
entièrement francophones : Amazones d’hier, lesbiennes
d’aujourd’hui (1982), Ça s’attrape (1982) et Treize (1984). Les
années 90 ont vu naître également des regroupements de
lesbiennes. Nous pouvons nommer entre autres le Réseau des
lesbiennes du Québec (RLQ) fondé en 1996. Le RLQ, toujours
actif, vise à fournir une voix aux lesbiennes québécoises sur
la place publique en prenant part à de nombreux enjeux
sociaux et politiques notamment concernant l’égalité des
sexes. L’organisme Lez Spread the Word, né en 2011, est très
actif aujourd’hui et vise à produire des contenus par et pour
les femmes lesbiennes tout en leur donnant des modèles
positifs. LSTW a lancé sa propre série web Féminin/Féminin
en 2014 ainsi que la première publication de son magazine en
2016. Cet organisme organise aussi des événements voulant
réunir les femmes de la communauté LGBTQ2+ tels que les
fameuses soirées « Où sont les femmes ? ».
OÙ SONT LES LESBIENNES ?
Les lesbiennes tendent à être invisibilisées au sein de la société
québécoise et parfois même au sein de la communauté
LGBTQ2+ elle-même. Par ailleurs, la ville de Montréal ne
comporte actuellement aucun bar pour lesbiennes, le
Drugstore ayant fermé ses portes en 2014, tout comme
le Royal Phoenix. Cela rend d’autant plus pertinentes les
actions d’organismes tels que Lez Spread the Word afin
d’enrichir la culture lesbienne québécoise et de fournir des
lieux de rencontre. Sans aucun doute, LSTW est un remède à
l’invisibilité des femmes de la communauté LGBTQ2+. Notons
aussi que la première marche des lesbiennes au Québec a eu
lieu le 14 août 2012.
07 La réalité des Trans :une lutte encore actuelle
ELe combat pour les droits des personnes trans est beaucoup plus récent, tout comme la lutte
à la transphobie et la préoccupation envers les enfants trans. Le premier grand organisme
pour les personnes trans au Québec a vu le jour en 1980. Il s’agit de l’organisme Aide
aux trans du Québec fondé par Marie-Marcelle Godbout. Plus qu’une ligne d’écoute, l’ATQ
organise de nombreuses activités récréatives pour la communauté trans, des rencontres
pour soutenir les familles des personnes trans en répondant à leurs questions, etc. Un
autre organisme très important pour cette communauté est l’Action Santé Travesti(e)s et
Transsexuel(le)s du Québec (ASST(e)Q) fondé en 1998. L’ASST(e)Q vise à favoriser la santé
et le bien-être des personnes trans et milite entre autres pour faciliter l’accès à des services
de santé répondant spécifiquement aux besoins de cette communauté. Depuis le début des
années 2000, la réalité trans a pris de plus en plus d’ampleur dans les discours des médias.
Aujourd’hui, de nombreuses séries et reportages télévisuels en parlent afin de démystifier
cette réalité. L’émission de télévision Je suis trans qui a été diffusée sur la chaîne MOI ET
CIE en est un exemple.
DATES ET ÉVÉNEMENTS IMPORTANTS RÉCENTS :
10 juin 2016 : le gouvernement du Québec ajoute à la Charte des droits et libertés de la
personne du Québec l’interdiction à la discrimination fondée sur « l’identité ou l’expression
de genre ».
19 juin 2017 : le gouvernement fédéral intègre cet interdit de discrimination à la Loi
canadienne sur les droits de la personne.
5 novembre 2017 : Une première mairesse trans est élue au Québec. Il s’agit de Julie
Lemieux, mairesse du village de Très-Saint-Rédempteur.
Le mouvement Queer
Le mouvement queer est multiforme et inclusif. Il s’adresse à toutes les personnes issues des
minorités sexuelles ou de genre qui ne s’identifient pas au modèle normatif hétérosexuel
et cisgenré qui prévaut dans la société. De l’anglais pour « étrange » ou « bizarre », le mot
fut employé dès le 19e siècle dans les pays anglo-saxons pour stigmatiser les déviances
sexuelles, surtout les relations entre partenaires de même sexe.
Exemple d’autonomisation communautaire, le terme est transformé à partir des années
1980 en qualificatif positif et émancipateur. Le mouvement puise ses racines intellectuelles
dans la théorie queer apparue dans les universités américaines et britanniques sous
l’influence du féminisme matérialiste et lesbien, ainsi que de la théorie postcoloniale depuis
les années 1970. Les penseurs queers (Ferguson, Puar, Duggan, Han, Sedgwick et Butler)
mettent en évidence l’influence de la culture ambiante sur l’expression et la construction du
genre et de la sexualité, ainsi que des rôles et des identités qui y sont associés. La théorie
queer s’oppose à toute normativité et à la rigidité des binarismes masculin/féminin ou
hétéro/homosexuel. À partir des années 1990, le queer radical se différencie de la théorie
queer – considérée trop académique – et se rapproche de l’anarchisme, du marxisme et du
féminisme radical. Dénonçant ce qu’il perçoit comme un tournant libéral conservateur de
la communauté LGBTQIA2, le militantisme queer se veut intersectionnel et inclusif, dans le
but de favoriser l’expression de membres autrement souvent marginalisés, notamment les
personnes racisées ou trans.
À Montréal, bien enraciné dans les Universités McGill (Queer McGill) et Concordia (Queer
Concordia), le mouvement donna aussi naissance à plusieurs groupes dénonçant la
commercialisation et les discriminations présentes dans la communauté LGBTQIA2 (sexisme,
hétérosexisme, homonormativité, classisme, âgisme, sérophobie, racisme). Des groupes
comme le P!nk Bloc (2000), les Panthères roses et QueerÉaction (2002 à 2007), Qteam
et Radical Queer Anti-Capitalist Ass (2004 à 2007), le collectif Radical Queer, ou encore
PolitiQ (2009). Le mouvement queer fut aussi à la base d’initiatives communautaires comme
Projet10 (2009), qui travaille à promouvoir le bien-être des jeunes LGBTQIA2, ainsi que Plan
Q, qui propose aux cégeps et aux universités des ateliers de sensibilisation aux luttes contre
les LGBTphobies.
Alternative au mouvement LGBT traditionnel, le queer favorisa aussi la création de nouveaux
évènements et lieux de rencontres ou d’échanges, situés en majorité hors du Village. Une
nouvelle spatialité, qui se déploie dans le Mile-End, Rosemont ou Hochelaga : le festival
Pervers/Cité (2006), le salon du livre Queer entre les Couvertures (2007), la Radical Queer
Semaine (2009 à 2016), la danse queer mensuelle Faggity Ass Friday (2007 à 2015), la soirée
lesbienne inclusive Où sont les femmes de Lez Spread the Word (2012), la soirée gaie-queer
Mec Plus Ultra (2008), la Montreal Queer Slowdanse et le Queer Tango au Mainline Theatre
en sont des exemples, sans oublier la création de nouveaux bars queers – parfois mixtes –
comme le Royal Phoenix (fermé en 2015), le Notre-Dame des Quilles, le Renard, ou encore
l’Alexandraplatz.
08 Arc-en-ciel d’Afrique
En 2004, alors que le gouvernement du Québec légalisait le mariage entre personnes de
même sexe, les personnes LGBT des communautés noires demeuraient encore invisibles
sur la scène gaie et dans les luttes contre l’homophobie. Afin de permettre aux personnes
LGBT d’origine africaine et antillaise de jouir des droits et des libertés que leur accordait le
Québec, Solange Musanganya, Didier Rwigamba et Luc Doray créèrent l’organisme Arc-enciel
d’Afrique le 30 novembre 2004.
Arc-en-ciel d’Afrique était un organisme communautaire à but non lucratif qui visait
l’intégration et l’épanouissement des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres
et transsexuelles (LGBT) des communautés africaines et antillaises, de leurs familles et de
leurs amis au Québec. Pour atteindre ces objectifs, l’organisme s’était doté des missions
suivantes :
Sensibiliser la société québécoise aux réalités des personnes LGBT des communautés
d’origine africaine et antillaise et agir en prévention des ITSS et du VIH ;
Briser l’isolement des personnes LGBT des communautés d’origine africaine et antillaise ;
Promouvoir la culture LGBT des communautés d’origine africaine et antillaise.
Au cours de son existence, Arc-en-ciel d’Afrique a contribué à améliorer la vie de milliers de
personnes LGBT des communautés noires, à promouvoir leurs droits et aussi à rendre visible
cette communauté en faisant connaître au public leurs enjeux spécifiques d’intersectionnalité.
Arc-en-ciel d’Afrique participa pour la première fois à la marche de la Fierté en 2006 puis
de manière consécutive de 2009 à 2017. En 2014, Arc-en-ciel d’Afrique créa Fierté Afropride,
une série d’activités ouvertes au grand public afin d’accentuer la place des personnes
LGBT des communautés africaines et antillaises durant la Semaine de la Fierté à Montréal.
En 2009, Arc-en-ciel d’Afrique fonda le festival de films LGBT africains et caribéens connu
aujourd’hui sous le nom de Massimadi : festival des films et des arts LGBTQ+ afro. Arc-enciel
d’Afrique a mis fin à ses activités au printemps 2018. Toutefois, son héritage se poursuit
à travers le festival Massimadi qui présentera en février 2020 sa 12e édition sous l’égide de
la Fondation Massimadi créée en août 2018.
La Bispiritualité
La bispiritualité (two-spirit en anglais) appartient aux traditions des peuples autochtones.
C’est un concept qui fait référence à un individu ayant une identité double, c’est-à-dire à la
fois féminine et masculine et qui reflète la tradition de diversité sexuelle et de genre dans
les cultures autochtones. Longtemps enfouie dans la mémoire ancestrale de ces peuples, la
bispiritualité réapparaît depuis une cinquantaine d’années chez les autochtones LGBTQ qui
veulent se réapproprier leurs traditions. Dans la foulée de la diversité sexuelle et de genre,
la bispiritualité permet aux individus de trouver un équilibre dans les rôles et les attitudes
de la vie quotidienne. On assiste également à un renouveau de la créativité artistique chez
les personnes bispirituelles des peuples des Premières Nations.
Traditionnellement, l’identité bispirituelle conférait aux individus une force surnaturelle qui
leur permettait de jouer un rôle important au sein de leur communauté. Plusieurs étaient
chamans, guérisseurs, conteurs ou conseillers auprès des chefs et des anciens parce qu’ils
pouvaient, par les rêves ou des visions, entrer en contact avec les esprits de la nature. On
appréciait leurs grandes connaissances dans le chant, la danse et l’art de la parole. Leurs
conseils et leur clairvoyance étaient très respectés dans la marche des affaires de leur
peuple. Chez plusieurs peuples autochtones, l’identité bispirituelle était acceptée autant
chez un homme que chez une femme. L’individu bispirituel avait les attributs physiques
d’un sexe mais le genre de comportements de l’autre sexe.
Tout allait changer avec l’arrivée des explorateurs et des missionnaires européens. À
l’étonnement succédèrent très vite la répugnance et le dégoût devant de tels individus.
N’ayant pas de terme pour désigner les personnes bispirituelles, on employa le mot
« berdache » qu’on utilisait en France pour parler d’un garçon ou d’un jeune homme passif
ou efféminé qui entretient des rapports sexuels avec des hommes. Très tôt, cependant, le
terme a fini par désigner en Amérique, faute d’autres mots, tout homme autochtone, peu
importe son âge ou son statut social, qui avait des rapports sexuels avec d’autres hommes La
bispiritualité était ainsi réduite à une déviance sexuelle masculine. Les missionnaires furent
les plus virulents à l’égard de ces personnes qui agissaient contre nature et remettaient en
question la hiérarchie des genres. Ainsi, le père Louis Hennepin, un missionnaire franciscain,
écrit en 1683 : « J’ay veu un garçon âgé d’environ dix-sept à dix-huit ans lequel avoit resvé
qu’il estoit fille, il y ajoûta tellement foy qu’il croyoit estre tel ; il se vestoit comme les filles,
& faisoit tous les mesmes ouvrages que les femmes. » Il ajouta même plus tard : « Ils sont
impudiques jusqu’à tomber dans le péché qui est contre nature. Ils ont des garçons, à qui
ils donnent l’équipage de filles, par ce qu’ils les emploient à cet abominable usage. Ces
garçons ne s’occupent qu’aux ouvrages des femmes, & ne se meslent ni de la Chasse ni de
la guerre. » À la même époque , le père jésuite Jacques Marquette qui avait accompagné
l’explorateur Louis Joliet, trouvait que de tels comportements pervertissaient la hiérarchie
des genres et portaient atteinte à la « perfection masculine » !